11/10/24

« Radicalisation extrême-droitière et passé colonial français »

Entretien avec Nedjib Sidi Moussa, auteur du Remplaçant, par Faris Lounis dans l'Antichambre des éditions Agone.

L’événement est orwellien, la raison criminalisée et le langage dévolu à la destruction du réel. La dissolution de l’Assemblée nationale, cette grande débâcle du printemps, et la vague brune qui aurait emporter les institutions entre les deux tours des élections législatives françaises oblige à un retour sur les origines coloniales des passions racistes qui motivent une partie de l’adhésion et du vote pour des formations politiques d’extrême droite.

De l’obsession complotiste pour les binationaux au combat acharné contre le droit du sol, en passant par une haine de l’islam qui rappelle les guerres de religion du XVIe siècle français, l’histoire coloniale travaille et agite encore toujours la France. Aussi bien la politique menée contre les « indésirables » de la République, les luttes d’émancipation sociale et citoyenne,  que l’attaque de la dignité et du droit des personnes.

Historien et professeur d’histoire-géographie en collège, Nedjib Sidi Moussa analyse, dans son denier lire, sur le terrain du collège, Le Remplaçant (2023), l’abandon des classes ouvrières et des services publics au temps d’un néolibéralisme agressif et autoritaire. Son précédent, Histoire algérienne de la France (PUF, 2022), est consacré à la centralité refoulée des questions coloniales dans les politiques françaises1. Il a accepté de répondre à nos questions sur l’héritage colonial des politiques menées en Métropole et la radicalisation extrême-droitière d’une grande partie de l’élite politique, journalistique et intellectuelle.

— Entre le triomphe de l’extrême droite aux Européennes, la périlleuse dissolution de l’Assemblée nationale et la grande débâcle des législatives, quel regard portez-vous sur les actuelles configurations politiques en France et en Europe ?

— Le Parti populaire européen (droite conservatrice) est le groupe qui compte le plus grand nombre de députés à Strasbourg, ce qui ne change guère par rapport aux dernières élections. En revanche, pour la France, l’arrivée en tête de la liste du Rassemblement national – ce qui était déjà le cas en 2019, sauf que cette formation a amélioré son score de huit points en juin – a été le prétexte d’une crise institutionnelle avec la dissolution de l’Assemblée nationale. Par-delà les résultats, je rejoins l’analyse du chercheur Hans Kundnani, qui rappelle, dans Foreign Affairs, la convergence – sans doute contre-intuitive pour les plus « europhiles » – entre le projet « civilisationniste » de l’extrême droite (avec sa vision d’une Europe blanche et chrétienne) et celui de l’intégration européenne promue par des élites libérales qui ne sont pas forcément en faveur du cosmopolitisme.

Nedjib Sidi Moussa