18/08/24

« Les imaginaires pris aux pièges du récit »

Article de Bertrand Cochard, auteur de Vide à la demande, dans Moins ! & Le Courrier.

La difficulté à agir hors des autoroutes du capitalisme pourrait être en partie due à la disparition du temps vacant, remplacé par des récits omniprésents et prescripteurs. A l’instar des trames narratives des séries qui engoncent les êtres dans l’illusion de l’action. Analyse de Bertrand Cochard, spécialiste de Guy Debord, pour Moins!.

Il est devenu monnaie courante de dire que nous vivons dans des sociétés de l’image: chaque fois que l’on s’emporte contre le consumérisme, la publicité, la politique-spectacle, le sensationnalisme médiatique, les réseaux sociaux, etc., il est convenu de s’en prendre aux images. On soulignera leur capacité à façonner nos désirs et à véhiculer des normes de conduite (se rendre à la salle de sports pour ressembler au type en slip de chez Calvin Klein, ou au mannequin en maillot deux pièces de chez Calzedonia); on rappellera que «l’image, ce n’est pas la réalité» (en suggérant que ce qui nous est montré ne correspond souvent qu’à une version au mieux tronquée, au pire magnifiée, de la réalité); on accusera enfin les images de standardiser nos imaginaires, ou, ce qui revient au même, d’empêcher l’exercice autonome de notre imagination.

Et, si l’on a été confronté, lors de sa formation en philosophie, à la célèbre allégorie platonicienne de la Caverne, on pourra aisément conclure, en prenant soin de ne pas omettre de citer Matrix ou The Truman Show: nous sommes prisonniers d’une nouvelle Caverne.

Sortir de la caverne

Il n’y a rien de délirant dans cette analyse: de fait, les images sont partout, tout le temps, autour de nous. Seulement, dans le cadre de cet article, je souhaiterais proposer une autre voie: si l’on tient à comparer notre situation historique à celle des prisonniers de la Caverne de Platon, et si par «être prisonnier dans la Caverne», on sous-entend «être maintenu dans un état d’hébétude critique et affective, entravant la libre pensée», alors je crois qu’il n’est pas tout à fait exact d’attribuer aux images ce pouvoir-là (...).

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Bertrand Cochard