29/08/24

« Un livre salutaire »

Recension de L'Ordre du technique de Michel Blay par Jacques Luzi dans Écologie & Politique (n°68, 2024).

Michel Blay, historien des sciences et directeur de recherche honoraire au CNRS, nous propose un livre court, mais consistant, sur les raisons de la crise écologique et sociale que provoque, selon lui, l’« ordre du Technique », défini à la fois comme « développement de la nature-machine, réorganisation sociale autour de la machine et pouvoir des maîtres de la machine ».
Cette suprématie sociale de la Technique et cette domination politique de la technocratie entraînent la colonisation de l’ensemble de l’espace social par les « pratiques assujetties à un ordre mathématico-déductif impliqué par une nouvelle représentation de la nature », contraire à la conception de la nature qui prévalait depuis l’Antiquité dans notre civilisation (gréco-judéo-chrétienne). Toute société s’institue sur la base d’une certaine représentation du monde et son existence concrète est la matérialisation de cet imaginaire. Comprendre les rapports destructeurs que la société industrielle entretient avec la nature suppose donc de remonter jusqu’à la conception qu’elle s’en fait (...).
S’émanciper de l’ordre nihiliste du Technique demande assurément, comme l’indique Michel Blay, une révolution culturelle, une réouverture au mystère de l’existence sur Terre, que nul savoir ne saurait résoudre. Non pas pour apporter une réponse aux questions vouées à demeurer indéterminées, mais pour renouer un lien affectif et expressif avec une Nature vécue concrètement. Mais l’enjeu est également politique et matériel 3 . Comme l’observait déjà Aldo Leopold : « L’homme moderne typique est séparé de la terre par de nombreux intermédiaires et par d’innombrables gadgets. Il n’a pas de relation vitale à la terre 4 . » En conséquence, une renaissance de la spiritualité « organique » ne pourra advenir en dehors de la réinstauration d’un rapport direct et pratique avec la terre, lié aux activités communautaires de subsistance : elle en découle et les accompagne, leur octroyant leur sens et leurs limites. Autrement dit, il ne peut y avoir de réouverture au monde sans un mouvement social se fixant pour finalité de libérer les activités matérielles de l’abstraction « travail » et de sa réalisation dans les systèmes industriels. Et réciproquement il ne peut exister un tel mouvement sans le désir de renouer des liens sensibles avec la Nature.
Ces remarques n’entament en rien l’intérêt de connaissance émancipatoire (Jürgen Habermas) qu’il y a à lire attentivement le livre salutaire de Michel Blay (...).

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Michel Blay