« "Avec les pauvres toujours", les meilleurs textes de Séverine, journaliste insurgée, réédités »
Recension de L'Insurgée de Séverine par Marion Messina dans Marianne.
Caroline Rémy, dite Séverine (1855-1929) fut une des grandes figures du mouvement révolutionnaire, ainsi qu'une des pionnières du journalisme. Elle écrivit plus de 6 000 articles dans de nombreux journaux dont « L’Humanité », « Le Figaro » et « La Fronde ». « L'insurgée » (L’échappée) compile ses meilleurs textes.
« Avec les pauvres toujours – malgré leurs erreurs, malgré leurs fautes, malgré leurs crimes ! » Ce cri du cœur est un cri de guerre. Et pourtant, c’est une fille de la bourgeoisie qui le pousse. Caroline Rémy, plus connue mais pas assez sous le nom de Séverine, est née en 1855 à Paris dans une famille qu’elle décrivait elle-même de la manière suivante : des « petits-bourgeois très sages » qui l’élevèrent « sévèrement en demoiselle de bonne famille ». Elle se marie, comme une jeune fille rangée, à l’âge de 17 ans. Son mari et elle se séparent un an plus tard mais ne peuvent divorcer.
Qu’importe, Séverine fera sa vie, jusqu’à tomber amoureuse d’Adrien Guebhard, le fils d’une veuve fortunée d’origine suisse qui l’embauche en tant que lectrice, et accouchera clandestinement de leur enfant. La naissance de Roland à Bruxelles en 1880 est un secret absolu mais aussi le prétexte sur lequel s’accoude le destin pour permettre à Séverine de faire la rencontre de sa vie : celle avec Jules Vallès. Le proscrit a alors quitté Londres où il s’était réfugié en 1871 au lendemain de la Commune et attend de pouvoir regagner Paris après la promulgation de l’amnistie.
L'importance de Jules Vallès
Vallès sent le potentiel de la jeune femme qui annonce à son père son intention de devenir journaliste. Ce dernier, ô combien ulcéré, lui ordonne de cesser de fréquenter le sulfureux Vallès. Désespérée face à la vie terne et prévisible qu’on tente de lui imposer, Caroline rédige un mot d’adieu et tente de se donner la mort. La balle passe à côté du cœur et la convalescence prendra deux mois – mais la famille comprend le message.
Grâce à Adrien et son important soutien financier, Vallès lancera un nouveau journal en 1883 : Le Cri du Peuple – comme celui de 1871. Séverine fait ses débuts dans un métier d’hommes – elle est même la première à oser y glisser un pied. Mais la mort de son mentor deux ans plus tard est un coup dur – on tente de pousser l’ex-protégée, aussi libre qu’insolente, vers la sortie. Celle qui est née dans la bourgeoisie ne va pas hésiter, par conviction et pour conserver sa place, à se transformer en travailleuse de l’imprimerie. « Au retour du théâtre, je jetais sur ma robe claire une blouse de polisseuse, et je montais à la composition d’abord, ensuite je descendais aux machines dans la chaleur, la poussière et la bousculade… Mais ça sentait si bon, l’encre d’imprimerie ! Et je m’endormais vers quatre heures du matin, le numéro tout frais entre les bras comme un bébé » écrira-t-elle dans L’internationale, en 1922 (...).
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