02/03/24

« Grandeur des brasseries, décadence des bistrots : boire un petit coup dans le Paris du XXe siècle »

Recension des Brasseries parisiennes de l'avant-siècle (1870-1914) de Gilles Picq par Sylvain Boulouque dans Slate.

Plongée dans l'histoire de ces lieux symboliques, avec deux ouvrages passionnants récemment publiés par des historiens.

Paul Guimard, dans Rue du Havre, un roman récemment réédité, évoque le bouillonnement des cafés dans les années 1950 autour de la gare Saint-Lazare à Paris d'une part, et du boulevard des Italiens d'autre part. Plusieurs d'entre eux ont disparu, mais deux auteurs viennent en quelque sorte ressusciter à travers des livres originaux l'esprit des brasseries parisiennes d'avant la Première Guerre mondiale, et autres bistrots de leur naissance jusqu'à aujourd'hui.

Le Paris des brasseries

Admirable ouvrage que ce livre que Gilles Picq vient de consacrer aux brasseries parisiennes: Les Brasseries parisiennes de l'avant-siècle (1870-1914).

C'est une véritable balade historico-gastronomique et culturelle qu'il offre à son lectorat. Arrondissement par arrondissement, l'historien retrace la vie et la place des brasseries parisiennes. Entre 1870 et 1914, si le nombre de cafés-concerts chute de la centaine à la cinquantaine, celui des débits de vin atteint les 18.000. Il y a 3.000 restaurants, autant de commerces de vin traiteurs, et plusieurs centaines de brasseries. Impossible de toutes les retenir, il n'en a gardé dans cette balade parisienne que 200 symboliques et représentatives de ce Paris perdu –l'auteur signale par un signe distinctif les restaurants qui existent encore aujourd'hui.

Le livre rappelle que Paris est alors centrée autour de quelques arrondissements: les six premiers sont les plus importants; des percées s'opèrent vers les IXe, XVIIIe et XIVe; le reste des quartiers demeure alors à la périphérie, les gares jouant un effet majeur dans cette évolution.

Dans l'ouvrage, Gilles Picq a classé les lieux par catégories: cabarets, brasseries, cafés-restaurants, hôtels-restaurants… Il en précise les noms et les propriétaires successifs et, surtout, offre un aperçu par un recours aux articles parus dans la presse de l'atmosphère qui pouvait y régner. Sa balade nous fait passer bien sûr par le quartier Saint-Lazare, le Bar-Hôtel-Restaurant, Austin's, la rue d'Amsterdam qui existe toujours, l'alors bouillonnant boulevard des Italiens qui contient de nombreux établissements comme le Café de Bade et le Café Riche, par lesquels sont passés entre autres Baudelaire, Dumas fils, Manet ou Zola. Tandis qu'un peu plus loin, le Bols permettait à Oscar Wilde de déguster quelques liqueurs et qu'à quelques mètres de là, au Cardinal, Alphonse Allais pouvait deviser avec Courteline.

En remontant vers le nord, la butte Montmartre a été aussi un des lieux d'épanouissement des brasseries. Au café-restaurant Azon, aussi appelé Les Enfants de la Butte, rue des Trois-Frères, Modigliani, Georges Braque ou Picasso sont venus se restaurer. Il était aussi possible de manger dans la brasserie Les Frites révolutionnaires située jusqu'à côté du bagne, rue des Martyrs, des repas pour des prix acceptables. Les bistrots pratiquaient d'ailleurs de manière générale des prix abordables (...).

Pour lire la suite : www.slate.fr/culture/pages-dhistoire/bistrots-brasseries-paris-apres-guerre-ouvriers-alcool-sociabilite