24/01/24

« Deuxième volume de cette nouvelle collection conçue en hommage à "tous ceux qui font vivre les mots", (...) ce livre est une très belle réussite »

Recension de Little Blue Books de Goulven Le Brech par Jean-Yves Mollier dans la Revue d'Histoire Culturelle.

Deuxième volume de cette nouvelle collection conçue en hommage à « tous ceux qui font vivre les mots », qu’ils soient éditeurs, imprimeurs ou auteurs, ce livre est d’abord une très belle réussite sur le plan technique. Paré d’une couverture bleue qui s’accorde avec le contenu de l’étude, agrémenté de nombreuses illustrations d’excellente qualité, et doté d’un corps de caractère très agréable à l’œil, ce volume oblong séduit immédiatement le lecteur et témoigne d’une volonté de donner à lire des livres soignés offerts à un prix abordable (18 €). L’auteur, Goulven Le Brech, directeur-adjoint des collections à l’IMEC, était tout désigné pour mener une enquête sur une collection de livres mythique, les « Little Blue Books », et en même temps largement ignorée des publications relatives à l’histoire du livre. Ainsi la grande History of the Book in America qui est le pendant le l’Histoire de l’édition française se contente-t-elle de deux allusions rapides aux « Little Blue Books » dans son tome 4, ce qui est peu. Il est vrai que le premier grand colloque international consacré à cette maison d’édition n’a eu lieu qu’en 2019, à l’université de Pittsburgh qui conserve par ailleurs l’essentiel des archives et des documents relatifs à cette entreprise. Lancée en 1919 par Emmanuel Haldeman-Julius, cette collection dépassait cent millions de volumes commercialisés en 1928 si l’on en croit le titre du livre-choc publié cette année-là chez Simon and Schuster, The First Hundred Million.

Né à Philadelphie où ses parents venaient de débarquer, Emmanuel Julius (1889-1951) était le fils de David Zolajefski et d’Elisabeth Zamustin, un couple de Juifs ukrainiens fuyant la misère et les pogroms. Journaliste à ses débuts, largement autodidacte et assoiffé de lectures, l’homme est aussi représentatif des aspirations d’une partie de la société états-unienne à cette époque. Rationaliste, voltairien, épris des Lumières, athée et progressiste, il se situera toute sa vie du côté du socialisme, l’anarchisme et le communisme trouvant également grâce à ses yeux. C’est d’ailleurs ce qui fait la profonde originalité de sa collection de petits livres à couverture bleue vendus en général cinq cents : loin de se vouloir une simple entreprise commerciale gérée de façon professionnelle et dégageant suffisamment d’argent pour lui permettre de satisfaire son amour des femmes et de la vie, sa maison d’édition visait à la fois l’éducation et la culture du plus grand nombre. Fondée dans une minuscule bourgade du Kansas, à Girard dans le comté de Crawford, la Haldeman-Julius Publishing Company ne fut jamais une maison d’édition comme les autres. C’est en effet en partant des besoins d’une nation encore majoritairement rurale où les librairies sont rares si ce n’est inexistantes en dehors des grandes villes, qu’Emmanuel Haldeman-Julius a conçu la commercialisation de ses petits livres de 8, 7 cm sur 12, 6 cm, des in-32 de 64 pages pour la plupart. Distribués par la poste à partir des commandes découpées dans la publicité des journaux et adressés directement à la maison d’édition, ses livres étaient particulièrement adaptés aux besoins d’une société traversée par de multiples aspirations (...).

Pour lire la suite : www.journals.openedition.org/rhc/6509

Goulven Le Brech