« Une enquête philosophique »
Recension d'Être écoféministe, de Jeanne Burgart Goutal, sur le site de la revue Ballast (mai).
Si « écoféminisme » est un mot qui commence à sonner familièrement pour certaines oreilles — féministes, écologistes ou seulement attentives —, le mot, sans être piégé, ne se laisse pas aisément apprivoiser. On freine en craignant l’intrusion d’un essentialisme mortifère, ou bien l’on devine se cacher sous cette appellation une ribambelle d’illuminées soufflant à l’oreille des plantes au solstice d’été. Certes, ce sont des éléments qui fondent certains écoféminismes, et l’auteure n’élude aucun aspect des pratiques diverses qui s’en revendiquent. Dans cette enquête philosophique à la première personne, elle ne contourne pas les problèmes mais tourne autour sans chercher à distinguer ce qui serait le « bon écoféminisme » du mauvais, entendre l’irrationnel. Car ces mouvements sont tissés en nébuleuse davantage qu’en continuum, et se succèdent, s’entrelacent dans des luttes et théories diverses, trames d’un « passé radical, utopiste, révolutionnaire, tissé de créativité, de rêves grandioses et fous ». On rencontrera ainsi, pêle-mêle : le Greenham Common Women’s Peace Camp en 1981, le groupe français Écologie-Féminisme-Centre, l’écrivaine-sorcière Starhawk, les critiques de Janet Biehl visant l’écoféminisme, les cultes néo-païens à la Déesse, les travaux de Maria Mies ou encore la controversée Vandana Shiva. Toute une partie du livre est d’ailleurs consacrée au séjour de l’auteure en Inde, au sein de l’association Navdanya. Qu’il s’agisse du sempiternel dualisme nature/culture, des rapports entre les sexes ou de l’organisation des sociétés, tout est toujours beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. Si l’écoféminisme peut parfois sembler fantaisiste, ce qui compte, au fond, « ce n’est pas la prétendue scientificité du discours, mais la force symbolique, la puissance de mobilisation, la portée heuristique, l’appel de nouvelles contrées et de nouveaux imaginaires ». Reste à savoir lesquels, et comment s’y prendre pour les ramener sur Terre.
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