« Une analyse critique extrêmement documentée des mécanismes insidieux du discours de la résilience »
Recension de Contre la résilience de Thierry Ribault par L. M. sur le site de Ballast.
Qui n’a jamais rencontré de près ou de loin un discours vantant la résilience face à un mal, individuel ou collectif ? Le concept est omniprésent, mobilisé à tout-va, et s’engouffre dans le sillage des drames écologiques, sanitaires et politiques qui surviennent à la chaîne dans les sociétés industrielles. L’accident nucléaire de Fukushima en est un macabre exemple : il affecte les structures du vivant autant que les structures sociales, mais l’on entend claironner en fanfare qu’il s’agit avant tout d’être « résilient », de continuer à vivre, à travailler, à consommer dans un monde dévasté. Thierry Ribault livre dans cet essai une analyse critique extrêmement documentée des mécanismes insidieux du discours de la résilience, qui s’apparente à une véritable technologie placée au service de la fabrique du consentement des populations. Ici, nous parlons de populations irradiées, éclatées spatialement et psychiquement, affectées par des cancers, à qui l’on fait entonner le refrain du « retour au pays », de l’autogestion responsable de la vie en milieu radio-contaminé, du dépassement du mal par l’effort et l’adaptation… Car c’est là le sinistre danger du concept de résilience : il pousse à agir sur les actions post-catastrophe (madame, veillez à mesurer chaque jour les niveaux de radioactivité dans votre potager et vous vous sentirez en sécurité) plutôt que sur les causes qui y conduisent. Précise, féroce, l’analyse n’a rien à envier aux écrits qu’Adorno ou Anders ont produits en leur temps. Ces penseurs, d’ailleurs, nous sont utiles pour identifier les tenants de l’idéologie de la résilience : une négation de la négativité qui oppose à la finitude humaine un impudent solutionnisme technique, ou encore une production organisée d’ignorance qui conduit les populations à vivre dans un monde irrationnel — un monde faux. La résilience prétend prôner la vie qui vainc, quand elle cache en réalité une vie mutilée. Or à Fukushima comme ailleurs, « le malheur n’est pas un mérite ».
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