« Un prolétaire à l’esprit libre »
Recension de Passages de Georges Navel par Régis Meyran dans Sciences Humaines.
On a un peu vite oublié Georges Navel, écrivain poète et ouvrier vagabond qui fuyait la tristesse de l’usine pour une vie de travaux de plein air. La réédition de son dernier livre, Passages, se révèle donc bienvenue. Ami des gens de lettres, de Jean Giono à Colette, reconnu dans le mouvement ouvrier et par les historiens du social, comme Gérard Noiriel 1 et Anne Steiner, le personnage était hors du commun. Tour à tour manœuvre, ajusteur, terrassier, correcteur d’imprimerie et apiculteur, il fut parallèlement un auteur publiant à la NRF et dans L’Humanité, un temps pressenti pour le Goncourt.
Passages est un roman sur les illusions et désillusions de l’enfance et de l’adolescence. Il s’ouvre sur des descriptions poétiques et enchantées de la nature et de la vie rurale dans un petit village lorrain. On y suit les travaux quotidiens de la maisonnée pauvre des Navel, le père à l’usine et au café pour y noyer la souffrance du labeur, la mère à la cueillette et au potager avec ses treize enfants à élever. Tout cela est vu à travers les yeux innocents d’un gamin, qui dans le même temps s’émerveille des promenades aux champignons le long de la Moselle, des altiers militaires allant à cheval sous sa fenêtre, des jeux avec les papillons et les libellules près du ruisseau dans la langueur de l’été. Mais le récit signe aussi, et surtout, le passage à l’adolescence et à l’âge adulte du jeune Georges, suscitant de l’amertume et rendant plus forts la nostalgie et le souvenir de l’enfance (...).
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