03/04/25

« Dans "La nature existe", Garcia et Blay dézinguent Latour et Descola »

Recension de La nature existe de Michel Blay et Renaud Garcia par Kévin Boucaud-Victoire dans Marianne.

Dans « La nature existe » (L'échappée), les philosophes Renaud Garcia et Michel Blay critiquent l'évolution du mouvement écologique, et ses deux penseurs-phares, Bruno Latour et Philippe Descola, coupable, selon eux, de vouloir nier la nature.

Dans Feu vert (1980), Bernard Charbonneau décrivait l’écologie politique comme le mariage de la gauche libertaire et de la droite conservatrice. Pour le penseur radical, l’écologie s’était constituée par la défense de la liberté et celle de la nature. Une double motivation qui semble aujourd’hui évanouie, si l’on en croit Renaud Garcia et Michel Blay, qui publient ensemble La nature existe (L’échappée).

Le premier enseigne la philosophie au lycée et est surtout connu pour ses travaux sur l’anarchisme. Le second est philosophe et historien des sciences, directeur de recherche honoraires aux CNRS. Ils se placent tous deux sous le patronage des naturiens, mouvement anarchiste qui, entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle, a mené une critique radicale de la société industrielle et milité pour un retour à la « vie naturelle » et communautaire. « Les naturiens seront amenés à partager les combats de leurs compagnons ouvriers contre l’exploitation de la classe bourgeoise, mais en amont, ils défendent la joie, pour chacun, d’éprouver son corps vivant : un cerveau pour penser, un cœur pour aimer, des bras pour travailler et des jambes pour se mouvoir », décrivent les auteurs.

Le vivant contre la nature

Renaud Garcia et Michel Blay estiment avec les naturiens que la crise écologique est la conséquence d’un processus, entamé avec René Descartes, qui a transformé la nature en machine. Celui-ci a permis l’avènement de « l’ordre du Technique », un monde artificiel dominé par l’extraction des ressources, l’industrialisme généralisé et un travail aliénant. Or, face à cela, les penseurs contemporains les plus influents de la question écologique, Bruno Latour – décédé en 2022 – et Philippe Descola se réjouissent de la « mort » de la nature, lui préférant « vivant », jugé plus « inclusif » et moins « réactionnaire ».

Mais alors qu’elle promet de dépasser la nature, la pensée « descolatourienne » introduit, d'après les deux philosophes, une confusion. En effet, chez ces intellectuels, qui dénoncent comme « préjugé occidental » la « différence entre l'inerte et le vivant », et leurs disciples, rien ne permet de distinguer le naturel de l’artificiel. Le « système technique » devient ainsi le milieu dans lequel évolue le « vivant ». Renaud Garcia et Michel Blay reprochent aux « nouveaux penseurs du vivant » leur naïveté face à la technologie, c’est-à-dire « l’imbrication des techniques avec la science des ingénieurs », qui rend l’homme dépendant et qui détruit la nature.

Tout cela aboutit, à leurs yeux à une écologie pour cadres urbains, issus des grandes écoles, agents d’un « capitalisme vert », qui ne réglera pas la crise en cours, mais au contraire l'aggravera. Face à cela, les auteurs défendent « une nature qui s’exprime dans le temps concret ; […] dans les cycles du vivant, dans la naissance et la mort, la nature où s’incarne notre vie concrète et réelle. » Un livre, qui, nous l'espérons, provoquera le débat chez les militants et intellectuels écologistes (...).

Pour lire la suite : www.marianne.net/agora/lectures/dans-la-nature-existe-garcia-et-blay-dezinguent-latour-et-descola

Michel Blay
Renaud Garcia