« Têtes pleines, ventres vides »
Recension de Parias de Marina Touilliez par Émilien Bernard dans Le Canard enchaîné.
Arrêtée puis relâchée par la Gestapo en 1933, Hannah Arendt, prometteuse philosophe de 27 ans, parvient, en cotobre de la même année, à rejoindre la France, où elle doit se contenter de chambres insalubres et de travaux improbables. la France, havre de paix pour les persécutés ? En réalité, une bonne partie du pays est hostile aux réfugiés. Ces huits ans sous le signe de la dèche sont racontés avec brio et minutie par Marina Touilliez dans cette enquête sous-titrée "Hannah Aendt et la "tribu" en France (1933-1941)". Un guide de survie pour exilés dans un Paris de moins en moins accueillant.
Elle n'est pas la seule dans cette galère. La "tribu" en question, ce sont ses semblables, intellectuels et opposant germanophones fuyant la dictature nazie. Autour d'elle, il y a notamment Walter Benjamin, Erich Cohn-Bendit (le père de Daniel et de Gabriel), Arthur Koestler et l'infatigable Heinrich Blücher, le grand amour qui deviendra son mari. Tous à la même enseigne bancale ! Se loger, se nourrir ou régulariser sa situation est chaque jour plus difficile. Comme l'écrit Marina Touilliez : "L'administration française est désormais une roue infernale qui broie aveuglément les existences." Seules l'entraide et l'amitié permettent de tenir. Arendt se dévouant, pour sa part, à la "solidarité juive internationale".
Cran après cran, l'étau se resserre. Les réfugiés anti-nazis, absurdement considérés comme des "ennemis de la France", se voient condamnés à l'internement dans les camps français. Pour Arendt, ce sera Gurs, dans les Pyrénées. Là encore, elle fait face à "mille misères". Ce portrait se fait ainsi métaphore de la solidarité entre damnés. Exilée aux USA, la philosophe, devenue exégète des totalitarismes, continuera dans cette voie. En témoigne cet extrait d'une lettre écrite en 1959 : "Nous cherchons à rester d'honorablesparias se moquent joliment de tous ces messieurs-dames."
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