16/06/24

« Romans en gravures, Histoires sans paroles, mais pas sans histoire »

Recension d'Histoires sans paroles de Samuel Dégardin par Dominique Sureau dans Alternative Libertaire.

Graveur, peintre et illustrateur, Frans Masereel fut un infatigable témoin des bouleversements de la première moitié du xxe siècle, un artiste militant, proche des idéaux libertaires. En 1918, Frans Masereel publia 25 images de la passion d’un homme. Il avait déjà publié Debout les morts et Les morts parlent.

Il conceptualisa les histoires sans paroles. Son œuvre est prolifique  : Mon livre d’heures (1919), Le Soleil (1919), Idée. Sa naissance, sa vie, sa mort (1920), Histoire sans paroles (1920), La Ville, commencé en 1918 et terminé en 1925. Son idée initiale  : un récit, une narration sans texte, uniquement fondée sur des gravures.

L’artiste belge venait d’inventer le roman sans parole. Tour à tour, sont dénoncés, écharpés les capitalistes, les marchands de canons, le monde déshumanisé qui affecte le prolétariat européen, la guerre et le chaos en résultant.

D’autres artistes graveurs de l’entre-deux-guerres se sont emparés de ce mode de narration séquentielle à forte connotation politique et sociale.

Les romans en gravures de Masereel sont sans paroles mais pas sans histoire. Ils narrent la vie, la quotidienneté du prolétariat, les rêves d’évasion, l’amour.

Si l’ensemble imprime des histoires sombres, noires cela tient autant à la technique employée qu’au regard de l’artiste ou au sujet observé.

Cet ouvrage, fruit de recherches approfondies, nous convie dans l’univers si particulier de Frans Masereel, tout de révoltes et de poésies. Les différents chapitres qui charpentent ce livre aident à comprendre cette ambiance, à la fois fascinante et déroutante d’un artiste à la production artistique multiple, d’un artiste engagé dans les luttes de son temps.

Son influence dépasse le seul domaine de la gravure sur bois. Certains lui attribuent une filiation avec l’art de la bande dessinée. Son graphisme est puissant, réaliste, féerique et social. Sous ces traits, cette tension savamment entretenue, exprime son dégoût pour l’injustice et l’aspiration à une société égalitaire. Son œuvre est traversée par son anticapitalisme et son antimilitarisme.

Ultime hommage, la citation de Stefan Zweig  :« Tout pourrait périr  : tous les livres, les monuments, les photographies et les documents, si subsistaient les xylographies que Frans Masereel a créées pendant ces dix années, par elles seules pourrait être reconstruit notre monde contemporain, et de surcroît rien que ces feuilles nous donneraient à saisir l’esprit dangereux, le génie et les remous psychiques de notre époque. » Témoin engagé de son époque, il était de ces artistes à la fibre libertaire. Il marqua son époque et bien au-delà. Un petit regret, la dimension des 150 illustrations enlève de la puissance au trait (...).

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Samuel Dégardin