« Ricordeau mène un travail au cordeau »
Recension d'Arthur Cravan, la terreur des fauves de Rémy Ricordeau par Michaël Moretti sur Sitaudis.
Jeanneney nous abreuva des lettres de Tonton à Anne, cette conservatrice de musée qui fut protégée aux frais du contribuable. Comme la postfacière, l’excellente Annie Le Brun, je suis peu amateur de correspondance amoureuse. Elle retiendra toutefois, concernant Cravan, un « sauvage amour courtois ». Tout dépend si vous êtes plutôt Sainte-Beuve ou côté Proust. « Mes lettres sont idiotes […] je ne suis pas un littérateur ! » (p. 136) : c’est gênant ! Connaître la vie amoureuse de l’étoile filante Cravan - un poète au nom de cigarette ne peut être mauvais -, plus wild que Wilde, apporte peu, sauf la sensation de la fuite commune des faux-semblants de Lloyd avec Loy, d’une dépendance affective pour un boxeur loin du niveau d’un Carpentier, un nouvel éclairage comme la « désertion éperdue » (G. Debord) de l’insurgé désespéré. Rendre la « bête », humaine.
Outre ses Notes contenant quelques fulgurances, avec une préface de Breton au « prosopème » (1917-18), Cravan envoie en même temps des lettres tant à la distante Sophie Treadwell qu’à la passionnée Mina Loy, cette « pénétrable » qui fut magnifiée ailleurs par Liliane Giraudon. Peut-être une clé au détour d’une lettre : « au fond j’ai une mentalité tragique. » (lettre à Treadwell, 07/06/17, p. 116), « Je suis l’homme des extrêmes et du suicide. » (lettre à Loy, 17/12/17, p. 147). Des notices biographiques informent sur celles-ci, anciennes amantes de Duchamp, ainsi que sur la française Renée Bouchet, son principal soutien – peu connu. Les points communs : l’autonomie, la maturité. Le pugilistique ou « disruptif » est soumis au feu de l’ « insurrection permanente du désir » (p. 19) (...).
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