« Nous avons besoin de livres lucides, et ils ne courent pas les rues »
Entretien avec Cédric Biagini, animateur des éditions L'échappée, avec Gary Libot dans Le Chiffon.
Essayiste, Cédric Biagini participe d'une critique de la technologisation de la vie depuis le début des années 2000. Éditeur, il lance L'échappée en 2005, reprenant le flambeau d'une critique sociale radicale. Libraire, il participe à l'animation de la librairie Quilombo (11e), foyer contre-culturel de l'est parisien. Par-delà les modes intellectuelles et les manichéismes séduisants, il présente un état des lieux de la filière du livre. Grand entretien.
Le Chiffon : Commençons par une question pratique : comment fonctionne le commerce d'une librairie aujourd'hui ?
Cédric Biagini :
Il existe différents types de lieux qui commercialisent des livres, avec des « états d’esprit », des logiques, des fonctionnements, des employés… différents. Citons les principaux : les grandes surfaces spécialisées, de type Fnac ou Cultura ; les grandes surfaces alimentaires, type hypermarchés et supermarchés ; les librairies diverses dont certaines sont spécialisées (en jeunesse, bande dessinée, voyage, etc.), les librairies généralistes « de qualité », que l’on nomme dans le jargon de « niveau 1 » ; des maisons de la presse et des lieux divers ; et hélas Internet, avec comme acteur principal… Amazon. Les éditeurs peuvent aussi vendre en direct, dans des salons ou sur leur site, mais cela reste marginal.
Avant d’arriver entre les mains d’un lecteur, un livre a suivi un parcours que l’on nomme la « chaîne du livre ». L’éditeur est à l’origine de sa parution, ensuite il est promu auprès des libraires par un diffuseur, une entreprise dans laquelle les représentants jouent un rôle-clé. Une fois les commandes des libraires passées auprès de ces derniers, c’est le distributeur qui assure les livraisons. Et enfin la librairie propose les ouvrages à la vente.
Il faut donc comprendre que dans un premier temps, l’éditeur, par l’intermédiaire de son diffuseur, doit convaincre les libraires de « prendre » ses livres. Il en va de la réussite commerciale de l’ouvrage. Bien entendu, en fonction de sa nature, il va être présent dans ou tel circuit. Par exemple, les livres de L’échappée ne se trouvent pas dans les grandes surfaces alimentaires ni dans les Relay alors qu’une nouveauté de Marc Levy ou d’Aurélie Valogne y tronera forcément (...).
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