« La France des clubs de fitness »
Recension de La Fabrique du muscle de Guillaume Vallet par Shathil Nawaf Taqa dans Le Comptoir.
La Fabrique du muscle, L’essai original de Guillaume Vallet – sociologue spécialiste de l’histoire de la pensée économique et du corps – revient sur l’effrayant engouement autour des activités sportives permettant de développer sa masse musculaire. La quête du muscle est inextricablement liée au système économique contemporain, qui rend les individus vulnérables, narcissiques et perdus dans leurs incertitudes. Pour l’auteur, l’attrait pour la musculation serait étroitement lié au libéralisme et au capitalisme, dont l’idéologie managériale apparue dans les années 1970 se veut la réponse à cette fable moderne selon laquelle il faut être « maître de son destin ».
En France, les emplois se sédentarisent à mesure que la part de l’emploi dans le tertiaire augmente au détriment des professions manuelles. L’activité physique quotidienne du salarié type s’est réduite comme peau de chagrin, dont l’effort se résume aux déplacements de la chaise de bureau à la machine à café. Pour compenser des dîners trop copieux, les salariés sédentaires se sont tournés vers les salles de musculation, ces espaces qui ont l’avantage d’offrir une liberté de mouvement, contrairement aux clubs de rugby, de danse ou de boxe, qui fonctionnent à heures fixes avec des règles contraignantes et qui requiert un sens du collectif.
Par ailleurs, l’avènement des réseaux sociaux a entraîné une compétition sexuelle exacerbée entre hommes et femmes et a renforcé cet engouement pour la culture du muscle, quitte à créer de nouvelles sources de dépression, avec une fuite en avant vers une performance, souvent vide de sens. L’originalité de cet article réside dans l’idée que la protection des citoyens est inévitablement promue par l’État renonçant à la protection de ses citoyens et assurant sa mission régalienne de l’organisation des solidarités collective. Sans repères, le citoyen « normal » perçoit l’extérieur comme hostile et se replie sur sa forme la plus primitive et la plus intime : son corps. Cet essai retrace les profondes mutations qui s’opèrent en France sur fond d’américanisation de l’imaginaire, du recul de l’État, de déclin des institutions traditionnelles (...).
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