« Les éditions L’échappée nous réservent toujours de très belles surprises »
Recension des Plaisirs de la rue d'André Warnod et de La Zone verte d'Eugène Dabit par Francis Pian dans l'émission "Au fil des pages" sur Radio Libertaire.
Les éditions L’Echappée nous réservent toujours de très belles surprises. Nous avions présenté le livre Séverine, L’Insurgée en décembre 2022 lors d’un entretien avec deux coautrices du livre, le numéro 2 de Brasero était une mine et un article annonçait une nouvelle collection intitulée Paris Perdu.
Je présentai ainsi l’article dans la chronique Des idées et des luttes sur le site du Monde libertaire :
« Je mettrai particulièrement en valeur l’article sur le Paris perdu. Je cite le chapo : « si les transformations de Paris étouffent nos souvenirs, si la ville populaire n’est plus, quelques écrivains, que l‘on serait tenté de considérer comme une famille littéraire, nous racontent ce que furent jadis La Mouffe et la Maube, les halles, la rue de Lappe, Saint Germain des prés, le topol et les troquets qui les jalonnaient. Un tour d’horizon de cet univers où les habitants, eux aussi, en pinçaient pour les formules bien balancées ». Vous retrouverez Fallet, Yonnet, Hardellet, Fargue, évidemment, Dabit dans le lignage de François Villon. En 2023, l’échappée lance une nouvelle collection Paris Perdu. Deux titres prévus : Rue du Havre de Paul Guimard et le vin blanc de la Villette de Jules Romains. Un régal en perspective ».
Ces deux derniers titres viendront plus tard mais nous avons un ouvrage d’André Warnod avec une introduction de sa fille Jeanine. Les Plaisirs de la rue. C’est le Paris populaire, l’art de flâner, un côté Léon Paul Fargue le Piéton de Paris. Lisez la page 21. On découvre des activités disparues comme le marchand de peaux de lapin, le photographe de rue. Les pages sont merveilleusement illustrées par des dessins de Warnod dont certains rappellent Valloton, d’autres Poulbot. Et nous voilà aux marchés aux puces, la foire à la ferraille, boulevard Richard Lenoir ou la foire aux jambons. Vous en découvrirez d’autres qui ont disparu. Carco n’est pas loin surtout lorsqu’il s’agit de souligner combien Montmartre est mort, livré aux touristes, déjà en 1920.
« C’est un spectacle digne de tenter ceux qui aiment Paris jusque dans les détails les moins connus de son pittoresque. »
Le passé de Paris, ses fêtes, ses bals populaires, le temps du Carnaval bien oublié avec la descente de la Courtille, c’est-à-dire la rue de Belleville. Milord l’Arsouille n’est pas loin. Un joli charme désuet qui donne envie de se promener dans Paris. N’oublions pas le talent artistique de Warnod qui valorisera et Montmartre et Montparnasse en créant le concept d’Art vivant. Nous en avions parlé avec Matthyeu Le Bal lors de notre émission de fin janvier de cette année pour la présentation de son livre Montparnasse, quand Paris éclairait le monde publié chez Albin Michel et préfacé par Jeanine Warnod.
Second ouvrage, un roman d’Eugène Dabit, La zone verte. Vous connaissez au moins le titre du plus célèbre de ses livres, Hôtel du Nord, publié en 1929. Dabit est l’homme du 18ème arrondissement si populaire en ces temps. Il étudie le dessin à l’Académie de la Grande Chaumière. Il recherche toujours l’authenticité, se lie à l’école prolétarienne de Poulaille et développera des écrits très éclectiques. Mais il n’y a pas que le Paris des boulevards et des ruelles. Ce qui attire Dabit c’est aussi cette zone à 50 km de Paris, un ailleurs. Découvrez la page 12.
Son héros, Leguen peintre en lettres se rend dans le Vexin près de Mantes, sur la route de Chars, il cherche du muguet, puis trouve du travail. C’est la rencontre entre le monde urbain, les ouvriers, le syndicalisme, le 1er mai et un monde encore rural avec ses contraintes, ses hypocrisies, ses aspirations, ses rêves quant au mythe parisien. Oui, une sorte de choc des cultures, là où aujourd’hui nous sommes dans une rurbanité sans forme. On découvre dans le livre la vie des années 20. Les ouvriers, le populo vont au bois de Meudon, pas de congés payés.
Vous goûterez le retour de Leguen vers Paris au travers de la banlieue, celle de la première couronne. De très belles pages empreintes d’un humanisme profond. On attend avec impatience les ouvrages suivants.
Pour écouter l'émission : www.radio-libertaire.org/podcast/enregistr/2023-06-28_23.mp3