27/10/24

« Compte-rendu d'Être éditeur »

Recension d'Être éditeur d'Anthony Glinoer par Tanguy Habrand dans COnTEXTES.

Quand on pense aux livres qui parlent de livres, aux livres qui abordent les conditions de production et de diffusion du livre, une marque d’édition vient souvent à l’esprit : La Fabrique. Forte du succès des essais d’André Schiffrin, la maison a mis un point d’honneur à publier des essais voués à poser un regard critique sur la filière, qu’il s’agisse de Pour aboutir à un livre d’Éric Hazan en 2016 (le fondateur de la maison, disparu en juin 2024), d’Une autre histoire de l’édition française de Jean-Yves Mollier (2015), d’une Petite histoire de la librairie française de Patricia Sorel (2021), de l’Histoire de l’imprimerie d’Olivier Deloignon (2024) ou encore, dans une perspective plus thématique, de L’Aventure politique du livre jeunesse de Christian Bruel (2022). Lentement mais sûrement, une autre maison d’édition indépendante française s’impose comme un des bastions de la culture livresque avec des ouvrages situés eux aussi au carrefour de la rigueur et de l’accessibilité : les éditions L’Échappée et leur collection « Le Peuple du livre ». Après la très remarquée monographie Pauvert l’irréductible de Chantal Aubry publié hors cadre en 2018, la collection créée en 2023 abrite trois essais animés par de semblables préoccupations éditoriales : Une rage de lire. Le jeune Michel Ragon de Thierry Maricourt (2023), Little Blue Books. Histoire de l’éditeur le plus rocambolesque du monde de Goulven Le Brech (2023) et Histoires sans paroles. Les romans en gravures de Frans Masereel de Samuel Dégardin (2024). Ce mois d’octobre, c’est au tour d’Anthony Glinoer, professeur à l’université de Sherbrooke, de signer un essai au titre évocateur : Être éditeur. Histoire, discours, imaginaires.

2L’ouvrage se présente à bien des égards comme une suite de Naissance de l’éditeur. L’édition à l’âge romantique co-écrit il y a près de vingt ans avec Pascal Durand. Être éditeur creuse en effet le sillon d’une histoire sociale de la figure éditoriale, acteur nodal de l’industrie du livre au sens moderne, mais dont l’existence sociale ne va pas pour autant de soi. Alors que les deux auteurs s’attachaient, dans Naissance de l’éditeur, à interroger les conditions de possibilité et d’émergence de l’Éditeur (et plus largement d’un champ éditorial), à établir une opposition structurante et tendancielle entre deux modèles d’éditeurs (un modèle Curmer, à vocation artiste, et un modèle Hachette, à visée industrielle et commerciale), ou à étudier la légitimité symbolique de l’éditeur et son pouvoir d’onction sur la production livresque, Anthony Glinoer se propose ici d’aborder la figure de l’éditeur sous d’autres facettes, nourries par quelques grands chantiers de recherche auxquels il s’est livré ces dernières années. Suite et bilan, cet ouvrage vise aussi la conjugaison pour ce qui est de son public. D’un côté, son style alerte, son propos synthétique, son découpage en courtes sections, son iconographie choisie en font un outil de premier ordre pour les étudiants et le grand public (averti) désireux ou tenus de mettre le pied à l’étrier ; de l’autre, sa capacité d’abstraction, la contemporanéité de ses sources et de ses enjeux théoriques en font une contribution de première nécessité au monde de la recherche. Être éditeur ne sacrifie à aucun moment les enjeux de la recherche et est donc moins un ouvrage de vulgarisation rapide qu’un ouvrage scientifique à part entière, écrit dans un registre particulièrement (étonnamment même) accessible (...).

Pour lire la suite : www.journals.openedition.org/contextes/12198

Anthony Glinoer