« Comment le capitalisme a tué nos campagnes »
Recension de Tristes campagnes de Bernard Charbonneau par Rob Grams dans Frustration.
En mars dernier, à partir d’un ouvrage de Patrick Chastenet, nous évoquions plusieurs penseurs de l’écologie anarchiste. Parmi eux, le bordelais Bernard Charbonneau, dont l’un de ses principaux ouvrages Tristes Campagnes, initialement publié en 1973, est réédité par L’Echappée. C’est que son sujet – la destruction des campagnes – est, malheureusement, plus que jamais d’actualité… Tristes Campagnes évoque la manière dont des cultures populaires, locales (patois, architecture, métiers…) ont été annihilées, les fermes familiales en polyculture et la paysannerie abandonnées…
Bernard Charbonneau, extrêmement attaché au Béarn et au Pays basque, n’était pas qu’un auteur mais aussi un militant actif : cofondateur en 1973 du comité de défense Soussouéou-Osso qui s’opposait à la construction d’une station de ski, créateur du Comité de défense de la côte aquitaine qui tentait de contrer l’aménagement touristique et industriel du Sud-Ouest… Retour sur sa pensée éclairante sur la manière dont le capitalisme et la société marchande détruisent la campagne.
Le paradoxe du tourisme
A partir des années 1960, le tourisme devient une industrie planifiée. Très concrètement cela signifie que le territoire « se transforme en matière première et en marchandise ». La campagne en ressort modifiée pour permettre « des loisirs dans la nature » Bernard Charbonneau évoque longuement le pays basque, soulignant que « l’originalité des basques a été de maintenir, en plein âge industriel et urbain, une campagne toute vive ». Mais il note ce paradoxe que le pays basque survit grâce aux touristes qui fossilisent un folklore d’invention relativement récente : « au Pays Basque succède le mythe basque des parisiens », posant cette question : « le tourisme peut-il aider à sauver la tradition qu’il détruit ? ». Dans le cas basque, le tourisme a effectivement permis le maintien de mœurs, de jeux, d’habitats… mais il a surtout détruit la côte par une invasion de villas, d‘hôtels, de garages, de stations services…
Il interroge la notion de « folklore », qui « se caractérise par la langue ou les outils, les proverbes ou les danses, d’autrefois : d’une façon générale l’objet ou la coutume hors d’usage », constatant que celui ci n’est valorisé, préservé, qu’une fois qu’il est inutilisable. De cette façon, il sert souvent d’alibi à la dévastation réelle des pays.
Cette transformation de la campagne au profit des villes modifie même les comportements qui sont généralement associés à la première : le chasseur, par exemple, change de profil. « Le vieux paysan qui économisait ses cartouches pour tuer un canard est remplacé par le banlieusard au fusil à répétition qui tire sur tout ce qui bouge » (...).
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