« Brasero : raviveur de flammes »
Recension de Brasero n°4 par François Angelier dans l'émission "Les Matins" sur France Culture.
Le 15 novembre 2024, la revue de contre-histoire "Brasero" à fait son apparition aux éditions L'Échappée. Icône de l'émission Mauvais Genres, François Angelier, nous fait part de son contenu brûlant !
Au sens propre du mot, un "braséro" est un grand plat de cuivre sur pied que l’on a empli de "brasera", de braises ardentes, afin de s’y réchauffer les mains. Depuis la nuit des temps, nuit bien évidemment interminable et glaciale, le braséro est l’intime ami de la sentinelle, du piquet de grève, du douanier ou du chiffonnier. Pour faire en sorte que braséro remplisse son office éclairant et calorigène, il est important de souffler sur les braises.
En dénommant Brasero leur revue, dont le 4ᵉ numéro vient de sortir aux éditions de l’Échappée, Cédric Biagini et Patrick Marcolini n’ont rien voulu d’autres que ranimer, jusqu’à les rendre brûlantes et brillantes, certaines braises historiques dormant sous la cendre de l’oubli, sortir de la nuit historique, quelques silhouettes véhémentes et hautement perturbantes.
Le Brasero n°4 contient quelques charbons
Commençons par Simon Leys, dont le livre Les Ombres chinoises a remis à zéro les compteurs du maoïsme mondain. On ne lui pardonna jamais, la citoyenne Antoinette Sorgue, dite "la passionaria du Causse", qui, en chapeau de Caballera, ceinture de soie rouge vif et longue jupe noire mêla le féminisme pionnier et l’action sociale révolutionnaire comme la grève, en 1907, des emballeuses de Roquefort dont elle haranguait les troupes en rouergat (comme le roquefort n’attend pas, elles gagnèrent) ou celle des mineurs de fond. À l’autre bout du spectre politique, cape blanche et l’œil en transe, on notera Geneviève Zaepfel, la voyante de Vichy. Touchant les mouvements sociaux, la palme revient sans hésiter aux deux vaillants mis en scène par l’écrivain Frédéric Lavignette, messieurs François Ronsin et Émile Carlier, deux unijambistes qui, pour assurer la promotion de leur Association française des estropiés firent en 1907 Marseille/Paris à pied, béquilles au vent et pilon en bataille, et ce, pour rencontrer Clemenceau et protester solennellement contre la concurrence déloyale des faux infirmes et autres mendiants escrocs.
Si Clemenceau ne les reçut pas, il était, pour l’heure en Tchéquie, à soigner sa goutte, la communication réussit, l’AEF affichera en 1911 près de 1800 membres manquants aux adhérents. En 1918, ils étaient innombrables. Dans un registre infiniment plus dandy et sulfureux, il faut lire avec attention l’article de Patrick Marcolini sur l’écrivain américain William Seabrook, icône du "mauvais genres", aventurier hors barrière et auteur à succès. Aujourd’hui abondamment réédité, à qui l’on doit, attachez, braves gens, vos ceintures : la révélation du vaudou haïtien et des zombis à l’œil terne avec son best-seller l’Île magique. Celle de l’Arabie secrète avec notamment les célèbres tours du diable édifiés par les yézidis. Citons malgré tout son approche de la gastronomie cannibale dans une Afrique coloniale propre à tous les fantasmes et ses pratiques BDSM admirées de Man Ray.
Hélas, pas le temps de vous parler d’Yvonne Georges, la muse de Robert Desnos ou de Jean d’Halluin, éditeur sous le signe du scorpion. Le braséro déborde de braises tout aussi braisillantes les unes que les autres. Revue de la contre-histoire, Brasero, c’est la science historique sous peyotl. Vivement le numéro 5 !
Pour écouter la recension : www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-regard-culturel/le-regard-culturel-chronique-du-jeudi-05-decembre-2024-5761420