« Connaissiez-vous les Juifs de Belleville ? »
Recension des Juifs de Belleville de Benjamin Schlevin par Elena Guritanu dans La Revue K.
Les éditions de l’Échappée font paraître la traduction du roman écrit en yiddish par Benjamin Schlevin, Les Juifs de Belleville, publié en 1948. Cette fresque sociale plonge le lecteur dans le petit monde des immigrés juifs d’Europe centrale et de l’Est, ouvriers et artisans, militants idéalistes et arrivistes désabusés, à la veille de la défaite de 1940 et de l’Occupation. K. en publie un extrait, précédé d’une présentation d’Elena Guritanu.
Connaissez-vous Belleville ? Non pas celui d’aujourd’hui, mais celui d’entre les deux guerres, puis celui de 1939-1945 ? Ses ateliers de confection, ses petits hôtels, ses cafés, ses clubs ouvriers, ses ligues culturelles, ses cercles yiddish, ses pletzels ? Connaissiez-vous ses petits artisans, façonniers, tailleurs et colporteurs ? Connaissiez-vous les Juifs de Belleville ?
Le roman de Benjamin Schlevin nous amène sur les traces de leurs pas, depuis leur arrivée de Pologne, d’Ukraine ou de Bessarabie jusqu’à la guerre, et, malgré elle, au-delà, car tout comme cette grande œuvre de littérature yiddish, « ils continueront de vivre », transformant le Paris perdu des éditions de L’Échappée en un Paris retrouvé.
Né en 1913 à Brest-Litovsk – ville polonaise entre les deux guerres mondiales, puis biélorusse après 1945 – Benjamin Schlevin émigre à Paris en 1934, après quelques années passées à Varsovie, où il fréquenta les cercles littéraires yiddish. Il commence l’écriture de ce vaste roman social à la fin des années 1930, alors qu’il travaille comme linotypiste auprès du journal communiste yiddish Di Naye Prese[1]. Il ne l’achèvera qu’à la Libération, à son retour du Stalag. Car, à l’instar des personnages de son roman, Schlevin est de toutes les guerres, celle des ouvriers, celle d’Espagne – depuis Paris –, celle contre les Allemands. Et, quand bien même « il faut savoir pour quoi et pour qui on se bat », tout comme eux, il n’a pas le cœur à se demander si ces guerres sont bien les siennes. En octobre 1939, Schlevin s’engage en tant que citoyen polonais dans l’Armée française. En 1940, il est fait prisonnier de guerre et envoyé dans un Stalag en Allemagne.
Libéré par les Américains en 1945, il revient à Paris, retrouve Belleville et son appartement rue Mélingue, reprend son emploi de linotypiste, reprend l’écriture. Les Juifs de Belleville est d’abord publié en yiddish, en feuilleton en 1947, puis sous forme reliée en 1948. Une traduction française voit le jour en 1956, celle de Arnold Mandel ; traduction si tronquée par la censure qu’elle en est comme mutilée, le roman étant amputé de chapitres entiers et ainsi dépossédé de son âme (...).
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