01/12/21

« Vu le climat, on aimerait même bien que Brasero passe vite à une publication trimestrielle »

Recension de Brasero par Catherine Marin sur Reporterre.

Connaissez-vous cet apéritif à base de feuilles de coca dont les Français se régalèrent pendant plus de trente ans, entre 1863 et 1916, avant qu’il soit interdit à la vente par une loi sanitaire (tout autant que disciplinaire : les déserteurs et étrangers en situation irrégulière en firent aussi les frais) ? Son nom, son histoire, sa triste descendance (Coca-Cola), vous apprendrez tout dans Brasero, dernier-né des éditions L’Échappée, une revue attisée par le souffle des passions émancipatrices.

Une quinzaine de récits historiques vivants et bien documentés, dont plusieurs à la croisée de l’art et du politique, un long entretien avec l’essayiste et poète Annie Le Brun, qui a fait de la défense du sensible un de ses chevaux de bataille, des critiques de livres... Brasero dessine une « contre-histoire » des plus vivifiantes, avec des angles de vue originaux. Elle nous invite, par exemple, à reconsidérer l’histoire du progrès à partir de l’expression « On n’arrête pas le progrès », d’abord portée par les tenants d’une République démocratique et sociale après la révolution de 1848, puis récupérée par les conservateurs, propagandistes du seul progrès économique. Ou nous incite à redécouvrir, avec Tolstoï et les courageux marins de Kronstadt, que, non, toute la gauche n’a pas été productiviste.

Enfin, plusieurs portraits, d’oubliées de l’histoire entre autres, apportent à cette élégante revue illustrée un fort parfum d’humanité. Qu’il s’agisse de la Péruvienne Flora Tristan, initiatrice en 1844 d’un Tour de France pour encourager l’émancipation des ouvriers et des femmes, ou encore de l’institutrice Anna Mahé, défenseure d’une pédagogie fondée sur le libre examen et animatrice des Causeries populaires, toutes ces têtes brûlées émeuvent autant qu’elles interpellent sur la puissance de transformation des engagements désintéressés. Bref, une revue extra qui veut « souffler sur les braises de l’histoire pour raviver les utopies ». Vu le climat, on aimerait même bien qu’elle passe vite à une publication trimestrielle.

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