10/09/24

« Un essai historique bien charpenté »

Recension de La Fabrique du complot de Miguel Chueca par Thierry Maricourt dans Le Monde Libertaire.

Bien sûr, les conséquences pour les auteurs – plus désignés que présumés – ne sont pas les mêmes qu’autrefois, lorsque, comme dans cet ouvrage de Miguel Chueca, La Fabrique du complot, les nazis gouvernaient. Nul mort ne fut à déplorer à Tarnac, en 2008, quand une police expéditive prétendit procéder à l’arrestation de dangereux terroristes d’ultra-gauche, tous innocentés par la suite. Les premiers supposés suspects des pseudo-attentats contre des lignes TGV en France l’été 2024 n’ont pas été torturés ni fusillés. Les temps ont changé, la démocratie n’est pas la dictature quoi qu’en disent certains esprits chagrins. Mais hier comme aujourd’hui le mensonge peut être une pratique de gouvernance à court terme. Les pays totalitaires, la Russie et la Chine aux premiers rangs, continuent de le démontrer.

L’ouvrage historique de Miguel Chueca est à appréhender comme un travail préventif. Il s’intéresse ici à ce qui est désigné par les historiens comme « l’incendie du Reichstag », qu’il qualifie plutôt, lui, « d’incendie au Reichstag » puisque la propagation des flammes a été limitée. À Berlin, le 27 février 1933, un certain Marinus van der Lubbe met le feu à l’intérieur du Parlement allemand. L’imposant bâtiment en pierre n’est qu’en partie endommagé, mais cela suffit à Hitler et à ses séides pour dénoncer un complot communiste et... aux communistes, qui publient un Livre brun, pour s’insurger contre un complot nazi. Les journalistes des différents pays se satisferont de l’une ou de l’autre version, oubliant que le jeune militant d’extrême gauche néerlandais, « inspiré par un tempérament foncièrement libertaire », semble bien avoir agi de sa propre initiative et seul. Comme le soulignait l’ex-suffragette britannique Estelle Sylvia Pankhurst, appelée à se prononcer en sa faveur, il n’était « ni un agent provocateur ni un agent des nazis, mais un révolutionnaire qui a agi selon ses convictions ». Mais pour les nazis, accuser l’état-major communiste, ou ce qu’il en restait sur le territoire allemand, était une trop belle opportunité. Quant aux staliniens, cet incendie s’inscrivait dans leur vision binaire du monde : s’ils n’en étaient pas les auteurs, ceux-ci ne pouvaient être que les troupes aux ordres de Hitler. « ...Les nazis (…) virent, ou voulurent voir en tout cas, dans l’incendie le prélude d’une insurrection communiste, et (…) une certaine gauche berlinoise (…) le tint aussitôt pour une provocation nazie accomplie par l’intermédiaire d’un ‘homme de paille’, un faux communiste complice des nazis. » (...).

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Miguel Chueca