« Revue Brasero : "On a parfois l’impression que les gens ordinaires sont devenus des marginaux" »
Entretien de Cédric Biagini et Patrick Marcolini, coordinateurs de Brasero, avec Kévin Boucaud-Victoire dans Marianne.
Les essayistes Cédric Biagini et Patrick Marcolini coordonnent le premier numéro de la revue annuelle de contre-histoire « Brasero », aux éditions L'échappée, d'inspiration libertaire. Contre la tendance des « studies », ils entendent parler des « gens ordinaires », de « l'humanité haute en couleur » et des « marges », sans tomber dans l'académisme ou le militantisme.
Marianne : Pourquoi publier une revue de « contre-histoire » ?
Cédric Biagini et Patrick Marcolini :Notre réponse va sans doute vous sembler triviale : par envie, par goût pour l’histoire. Et aussi parce que nous animons une maison d’édition, L’échappée, qui bien qu’elle ait toujours laissé une large place à l’histoire ne pouvait pas publier des livres sur chaque sujet passionnant que l’on nous proposait. Il fallait créer un espace pour cela, pour des formats plus courts, afin de rendre compte du bouillonnement de nos auteurs, amis et complices.
Ainsi nous avons mis dans « Brasero » tout ce que nous trouvons instructif ou amusant, sans soucis académiques ni militants. On peut donc croiser dans nos pages Flora Tristan, des dealers de Montmartre, des trotskistes fans d’extraterrestres, des irréguliers, la créatrice du jokari, Joe Hill et ses rebel girls, des Zandj [esclaves noirs africains en Irak au IXe siècle], des piqueurs, Tolstoï, des jeunes surréalistes, une communauté en Suisse, Annie Le Brun, le socialisme typographique, des muralistes portugais, Gribouille, des montreurs d’ours, Claude Tchou, des chiens de science-fiction, notre cher Orwell… Tout un programme, le nôtre !
Vous souhaitez rompre avec les studies et à nouveau cloisonner l'histoire. Pourquoi ?
Il ne s’agit pas vraiment de cloisonner l’histoire : nous apprécions de pouvoir bénéficier de l’éclairage de plusieurs disciplines. D’ailleurs, « Brasero » professe de façon générale un certain goût pour l’encyclopédisme, y compris dans ses aspects les plus ludiques. Le problème est que l’histoire a tendance depuis quelques décennies à se diluer, aussi bien sur le plan méthodologique que dans les fins que la discipline s’était donnée. L’histoire, c’était à la fois une enquête et un récit : établir l’exactitude des faits en comparant les témoignages, les indices et les archives, et restituer une succession d’événements traversés par des groupes humains afin d’en comprendre le sens général (...).
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