21/01/21

« Renouer avec la critique du capitalisme »

Recension de La Collapsologie ou l'Écologie mutilée par Francine Fréjus dans Modes d'emplois (hiver 2021).

N’avez vous jamais ressenti un certain malaise devant ce nouveau courant de la collapsologie ? Au moins, une vague inquiétude face à l’enthousiasme général qu’il provoque dans les médias, alors même que la critique du capitalisme industriel continue, et depuis plus de soixante ans, d’être rejetée dans les limbes de la ringardise intellectuelle par les mêmes médias ! Est-ce parce que la collapsologie serait plus sérieuse ? Ou plutôt moins dangereuse ? Et bien, ce cher Renaud Garcia, visiblement, s’est posé les mêmes questions ! Nous avions déjà eu la joie de chroniquer dans ces pages (Modes d’Emplois n° 52, septembre 2015) son ouvrage Le Désert de la critique où il montrait les dangers des théories postmodernes à l’œuvre dans les courants politiques contemporains. Dans La Collapsologie ou l’écologie mutilée, il dresse un portrait méthodique des théories de ce courant pour nous en montrer non seulement les inconsistances, mais surtout les impasses. Des insuffisances théoriques d’un Pablo Servigne ou d’un Yves Cochet, on avance dans les soubassements métaphysiques d’un Bruno Latour ou d’un James Lovelock. Et là, plus de critique du système économique, mais les délires cybernétiques d’une subordination de l’homme à la machine, dans la continuité intégrale du capitalisme industriel, simplement aménagé par les nouvelles technologies. À cela s’ajoute, bien sûr, ce retour du New Age avec les stages spirituels et les rituels d’encadrements émotionnels caractéristiques du nouveau courant. L’autre problème fondamental, c’est que les collapsologues font fi du passé et des constructions théoriques autrement plus complexes et pertinentes qu’a élaboré la critique du capitalisme industriel à travers les Georges Orwell, Ivan Illich, Jacques Ellul, etc. Ainsi, Renaud Garcia questionne la posture du sujet révolutionnaire face à l’avenir comme au passé et déclare, citant Landauer : « je maintiens que les grands hommes de tous les temps et de tous les peuples doivent nous servir de collaborateurs vivants, et cela surtout tant que les contemporains prétendument vivants ne sont pas à la hauteur de la tâche. » Choisis ton camp camarade !

Renaud Garcia