05/02/25

« RDC : la face cachée de la révolution numérique »

Entretien avec Fabien Lebrun, auteur de Barbarie numérique, par Christophe Rigaud dans Afrikarabia.

Le chercheur Fabien Lebrun dénonce l'arrière-boutique bien peu reluisante de l'extraction des minerais nécessaires à la fabrication des smartphones et des ordinateurs. Pillage généralisé, économie militarisée, travail forcé, biodiversité martyrisée... La République Démocratique du Congo (RDC) paie le prix fort de notre quotidien ultra-connecté.

Afrikarabia : Dans votre ouvrage « Barbarie numérique, une autre histoire du monde connecté* », vous expliquez que le pillage des ressources naturelles du Congo n’a pas commencé avec l’exploitation des minerais et l’explosion de l’économie numérique ?

Fabien Lebrun : Dans mon livre, je parle du Congo comme un territoire de prélèvement. Quand on remonte à la naissance de la mondialisation et du capitalisme, on convoque la traite négrière et le commerce triangulaire qui va connecter l’Afrique à l’Europe et à l’Amérique. Ce commerce triangulaire a permis l’enrichissement des Etats, et les premiers profits. Je viens de Nantes, et ma ville s’est aussi enrichie sur du sang noir. Ces premières richesses viennent notamment de l’économie de plantation en Amérique, thé, café, sucre, tabac… réalisée grâce au travail forcé des esclaves venus du continent africain. Une grande partie de ces populations déportées vient d’Afrique centrale que l’on nommait royaume Kongo à l’époque. On parle de 13 millions de personnes déportées sur trois siècles. Ce commerce triangulaire va constituer le ciment du décollage du capitalisme entre le 16e et le 19e siècle.

Afrikarabia : Après le « prélèvement » des êtres humains, c’est au tour des ressources naturelles avec la révolution industrielle ?

Fabien Lebrun : Oui, et notamment le caoutchouc, qui est très présent dans les forêts du Congo. Pourquoi le caoutchouc ? A cause de l’industrie du pneu naissante, avec l’apparition de la voiture et du vélo. S’en suit, entre 1885 et 1910, et même après, un régime de terreur orchestré par le Roi des Belges, Léopold II. Il s’approprie le Congo dont il fait sa propriété personnelle. Un des épisodes le plus connus et le plus tragique, ce sont les fameuses « mains coupées ». Si les populations locales n’avaient pas un rendement assez suffisant, on leur coupait les mains. On voit qu’à travers cette notion de prélèvement, le Congo est central, avec l’exploitation de ces populations, de son sol et de ses ressources (...).

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Fabien Lebrun