Caroline Remy, dite Séverine (1855-1929), pionnière du journalisme, a été largement oubliée. Quel personnage pourtant, quelle plume ! C'est ce que montre la sélection de quarante-cinq articles publiée par les éditions L'échappée. Des reportages, des nécrologies, des analyses, des diatribes. Journaliste militante, Séverine y défend avec vigueur les femmes et les pauvres. Cette profession de foi doit beaucoup à sa rencontre avec l'ancien communard Jules Vallès : "Il me tira du limon de la bourgeoisie", écrit cette fille d'un fonctionnaire parisien. Appelée à travailler à sescôtés au Cri du peuple, elle y soutient certains anarchistes et incite ses lecteurs à faire "flamboyer sur le monde" le drapeau rouge. Plus tard, elle défend le droit à l'avortement, passe une journée dans une raffinerie de sucre aux côtés des ouvrières en grève, et tire à vue sur Jules Ferry, un "colonialiste" qui "pataugea dans le sang, dans le mensonge, dans l'intrigue". Mais ce qui fait la richesse de ce recueil, c'est qu'il ne cache pas les ambivalences et les revirements de Séverine. De façon inattendue, la libertaire passionnée a un temps soutenu le général Boulanger, écrit dans un journal monarchiste et collabore avec le très antisémite Édouard Drumont, avant de finir par défendre Dreyfus. Il lui a aussi fallu des années pour se ranger en faveur du vote des femmes. Ce parcours complexe donne à la figure de Séverine un intérêt particulier, loin des caricatures (...).

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