Comment un fils de paysan lorrain recruté comme manœuvre en usine voulut donner une signification politique aux réflexes qui le poussaient à fuir tous les lieux de pouvoir.

L'itinéraire de Georges Navel, né à Pont-à-Mousson en 1904 et mort à Die en 1993, est un bel exemple pour comprendre comment des individus dont le métier n’est pas l’écriture parviennent malgré tout à s'engager dans une activité littéraire. Tout au long de sa vie, Navel a exercé d’innombrables métiers : ajusteur, terrassier, cueilleur de fruits, jardinier, ramasseur de sel, apiculteur. Ce sont ces expériences qu'il a racontées dans plusieurs romans autobiographiques et notamment dans le livre intitulé Travaux publié en 1945.

Ces ouvrages sont aujourd'hui encore des témoignages irremplaçables pour les historiens du monde du travail au XXe siècle. Navel a écrit que, dans son enfance, il avait détesté l'école : "avec la même intensité que tous les lieux où il m’a fallu vivre enfermé ; école, usine, caserne". Et il explique comment ce refus de l'enfermement s'est d'abord traduit dans ses engagements révolutionnaires, pour déboucher finalement sur un certain désenchantement.

"J'ai détesté tous les lieux où il m’a fallu vivre enfermé ; école, usine, caserne" (G. Navel)

Georges Navel était le fils d'un paysan lorrain recruté comme manœuvre dans l'usine sidérurgique de Pont-à-Mousson. En 1918, sa famille émigra à Lyon et c'est là qu'il noua des liens avec les milieux anarchistes et communistes. Grâce à ces militants, il put donner une signification politique aux réflexes qui le poussaient à fuir tous les lieux de pouvoir.

En 1925, il voulut défendre la République du Rif en lutte contre le pouvoir colonial français. "Mon projet était de franchir sans passeport la frontière espagnole pour m’engager au Tercio et arriver au Maroc, de déserter pour passer du côté des tribus insoumises".
Mais il ne poussa pas l'aventure jusqu'à son terme (...)

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