Le sociologue Fabien Lebrun signe un réquisitoire implacable sur la tragédie humaine et écologique que vit le Congo sous l’emprise des industries numériques.

Dans Barbarie numérique, Fabien Lebrun défend une approche matérialisée du numérique, à l’opposé de la dématérialisation que l’on veut nous vendre à tout prix. Pour le sociologue, il est en effet « essentiel de politiser la question technologique » car elle engage l’avenir de l’humanité. En une génération, notre petit monde digital aura puisé autant de métaux dans le sous-sol que durant toute l’histoire de l’Homme. Et le retour en force de l’impérialisme, de Trump à Poutine, ne peut qu’accélérer de manière vertigineuse ce pillage à grande échelle des ressources de la Terre.

Un smartphone, précisez-vous, ce n’est pas 150 grammes, c’est 150 kilos de matières premières. Le numérique, c’est tout sauf une baguette magique ? Ce qui a motivé ce livre, c’est d’abord une réflexion sur le numérique. Et sa dimension proprement matérielle, très peu évoquée. Ce déficit d’information trouve un lien direct avec l’extraction minière qui touche l’Afrique Centrale et le Congo en particulier. J’ai voulu démonter que ce qu’on appelait dématérialisation, ce n’était rien d’autre que numériser et informatiser à marche forcée et donc augmenter les équipements matériels, tous les gadgets technologiques qui font notre quotidien.

Le smartphone est sans doute l’objet qui concentre, proportionnellement, le plus de matières premières dans toute l’histoire de l’Humanité. Pour le gros téléphone fixe des années soixante, il fallait une dizaine de métaux. Pour les premiers téléphones portables des années 1990, c’était une trentaine. Aujourd’hui, un smartphone, c’est plus de soixante. Plus on les sophistique, plus on les miniaturise, plus on les développe, plus on puise dans le sol (...).

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