« On arrête (parfois) le progrès »
François Jarrige, auteur d'On arrête (parfois) le progrès, était l'invité de "La Terre au carré" sur France Inter.
Comment définit-on le progrès ? En quoi ce que l'on appelle "progrès" a fait l'objet d'orientations politiques dont les alertes et les critiques à propos de leurs externalités négatives ont été évincées.
En s’appuyant sur ses travaux menés sur l'histoire des techniques et de l’industrialisation, François Jarrige met en perspective la notion de progrès et démontre son aspect ambivalent. En effet, le progrès promut comme l’élément salvateur de nos sociétés modernes a toujours fait l’objet de critiques et de scepticisme au regard de ses conséquences négatives sur l’environnement et sur les humains. Les critiques ont été régulièrement marginalisées et discréditées. Au service de la productivité et de la croissance le progrès ne cesse d’être une orientation politique pour prolonger les mécanismes sociaux et économiques liés à la croissance, qui pourtant mettent en péril les milieux de vie des êtres humains. Parler de la notion de progrès n’est pas moins le moyen pour l’historien d’aborder sérieusement la décroissance et la façon dont elle pourrait être penser politiquement.
Face aux enjeux environnementaux, le progrès s’est changé en technosolutionnisme. La solution à la catastrophe environnementale serait pour certain la technique…soit, le meilleur moyen de ne pas affronter la nécessité de repenser notre société et nos modes de vie.
L'énergie est un pan important sur la réflexion sur le progrès François Jarrige explique que l**’**histoire de l’énergie est écrite comme une série d’innovations successives : la machine à vapeur, le moteur à explosion, l’électricité, le nucléaire. Les innovations miraculeuses ne remplacent pas le système précédent mais s’y ajoutent : il ne s’agit pas d’un processus de transition, mais d’addition.
Quels sont les mécanismes qui entretiennent le mythe du progrès, quelles ont été les critiques au cours des dernières décennies et comment penser le choix de la décroissance dans une société démocratique ?
L'historien définit des cadrages de modernisation :
1860-1880 : triomphe du libre-échange et période où les énergies fossiles dépassent les énergies hydrauliques comme source industrielle. C'est à ce moment qu’apparait le premier techno-solutionnisme, avec les fourneaux fumivores, les ingénieurs doivent faire face à des plaintes de riverains, car contamination de l’environnement. Au lieu de freiner les usines ils vont trouver cette technique pour atténuer les fumées.
30 glorieuses est le cadrage modernisateur qui a lieu après la 2nd Guerre Mondiale, c’est précisément à ce moment où a lieu la « Grande accélération ». Les 30 Glorieuses, est la période où on n’a jamais pollué autant, c'est aussi la naissance de la consommation de masse.
Cadré par une relance progressiste, les années 80-90 sont l’équivalent des 30 Glorieuses. Le progrès dans les années 80 passe par la mondialisation et le numérique qui devait résoudre les problèmes environnementaux (avec l’immatériel...). On pensait qu’on aller inventer un système économique sans pollution, sans exploitation, mais le monde numérique est la même chose que le monde industriel, il rajoute des sources de consommation.
Pour écouter l'émission : www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-terre-au-carre/la-terre-au-carre-du-mercredi-09-novembre-2022-9543042