« Les racines libertaires de l’écologie politique »
Recension des Racines libertaires de l'écologie politique de Patrick Chastenet par Frédéric Thomas sur son blog Entre les lignes, entre les mots.
La présence des partis écologistes sur la scène politique européenne s’est tellement banalisée de nos jours qu’on en oublie leurs filiations avec des courants sinon révolutionnaires, du moins très critiques envers la modernité industrielle et capitaliste. L’objectif de Patrick Chastenet est d’éclairer, à partir de cinq penseurs auxquels il est attaché (il en a d’ailleurs connu plusieurs) – d’Élisée Reclus à Murray Bookchin, le théoricien du communalisme, en passant par Jacques Ellul, Bernard Charbonneau et Ivan Illich –, les racines libertaires de l’écologie. Il offre dans ce livre une synthèse de leurs idées et de leurs parcours.
Il ne s’agit pas d’un courant homogène. Les divergences entre les cinq auteurs étudiés existent, tout particulièrement autour de l’existence ou non d’un lien entre croissance démographique et crise écologiste, et sur la focale mise, selon les penseurs, davantage sur la technique ou sur le capitalisme comme source originelle de la catastrophe actuelle. Cependant, ils se rejoignent dans le refus de la politique politicienne et dans la double mise en avant d’une affirmation éthique et d’une pensée de la limite, qui vient à fonder ce que Chastenet appelle « une éthique de l’autolimitation » (page 45). (Dommage que l’auteur ne fasse pas référence à Cornélius Castoriadis, qui a dialogué avec certains des penseurs présentés ici, et qui fut également un théoricien de l’autolimitation). Force est aussi de reconnaître la congruence de nombre de ces précurseurs de l’écologie politique avec le christianisme et, plus largement, avec une certaine recherche spirituelle.
On ne trouvera pas auprès de ces penseurs de stratégies véritables pour arrêter la course folle dans laquelle nous sommes entraînés. La révolution envisagée renvoie à la prolifération d’actions de groupes autonomes réduits en nombre. Par son parcours de militant ouvrier, son expérience et sa réflexion, Bookchin se distingue d’ailleurs quelque peu, lui qui considérait « que passer sous silence les racines sociales de la crise écologique conduit à prendre l’effet pour la cause » (page 180). D’où peut-être aussi l’écho majeur dont jouit la redécouverte de sa pensée aujourd’hui. Cela n’enlève rien à l’actualité de leurs critiques à tous les cinq – critiques écrites pour certaines, il y a plus d’un demi-siècle ; que l’on pense par exemple à la dénonciation de Charbonneau de la transformation du monde en « banlieue totale ». Leur puissance relève et de cette actualité et de la charge utopique de leurs pensées qui n’entendent céder ni aux exigences d’une efficacité immédiate ni au mythe du progrès (...).
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