24/11/24

« "Les études décoloniales réduisent l’Occident à un ectoplasme destructeur" »

Entretien avec Pierre Gaussens, coordinateur de Critique de la raison décoloniale, par Youness Bousenna dans Le Monde.

Le chercheur détaille, dans un entretien au « Monde », les raisons qui l’ont conduit à réunir, dans un livre collectif, des auteurs latino-américains de gauche qui critiquent les fondements théoriques des études décoloniales.

 

S’il passe son année en France comme résident à l’Institut d’études avancées de Paris, Pierre Gaussens évolue comme sociologue au Collège du Mexique, à Mexico, établissement d’enseignement supérieur et de recherche en sciences humaines. C’est d’Amérique latine qu’il a piloté, avec sa collègue Gaya Makaran, l’ouvrage Critique de la raison décoloniale. Sur une contre-révolution intellectuelle (L’Echappée, 256 pages, 19 euros), regroupant des auteurs anticoloniaux mais critiques des études décoloniales et de leur « stratégie de rupture ».

Que désignent exactement les études décoloniales, devenues un courant très controversé ?

Les études décoloniales ont été impulsées par le groupe Modernité/Colonialité, un réseau interdisciplinaire constitué au début des années 2000 par des intellectuels latino-américains, essentiellement basés aux Etats-Unis. Il comptait, parmi ses animateurs les plus connus, le sociologue péruvien Anibal Quijano (1928-2018), le sémiologue argentin Walter Mignolo, l’anthropologue américano-colombien Arturo Escobar, ou encore le philosophe mexicain d’origine argentine Enrique Dussel (1934-2023). Les études décoloniales sont plurielles, mais s’articulent autour d’un dénominateur commun faisant de 1492 une date charnière de l’histoire. L’arrivée en Amérique de Christophe Colomb, inaugurant la colonisation européenne, aurait marqué l’entrée dans un schéma de pouvoir perdurant jusqu’à aujourd’hui. Ce schéma est saisi par le concept central de « colonialité », axe de domination d’ordre racial qui aurait imprégné toutes les sphères – le pouvoir, le savoir, le genre, la culture (...).

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