19/11/24

« Les écrans nous cassent la tête »

Entretien avec Sabine Duflo, auteure d'Il ne décroche pas des écrans ! dans L'Empaillé.

Nous ne nous déplaçons plus sans écran, le monde s’organise à travers eux, même le bon vieil agenda scolaire est remplacé par l’agenda en ligne. La société se digitalise et ce n’est pas sans conséquences graves. En première ligne les enfants et les ados, dont le pouce scrolle à la vitesse de l’éclair et jongle d’une appli à un réseau pour atterrir au mieux sur une vidéo de chien faisant du trampoline. Sabine Duflo, psychologue, témoigne de ce nouveau fléau et des lourds dégâts sur la santé et la psychologie des nouvelles générations. Sans baisser les bras, elle s’attelle à soigner et à sensibiliser.

En tant que psychologue travaillant au sein d’une unité d’expertise (1), comment en êtes-vous arrivée à la conclusion que les écrans sont neurotoxiques ?

J’ai été formée à la thérapie systémique. C’est une approche qui conçoit l’enfant, l’adolescent·e, comme le résultat des interactions avec son environnement. C’est aussi une technique qui consiste à agir dessus afin de permettre un changement de comportement. Or cet environnement a été bouleversé depuis l’arrivée du numérique et en particulier des écrans nomades qui ont fait exploser le temps que nous passons devant. Notre écosystème est désormais un écosystème digital. La durée moyenne d’utilisation des écrans de l’ensemble des adolescent·es est actuellement de 6h48 par jour et pour les jeunes les plus anxieux, elle est de 8h12 ! (2) Non seulement le temps passé devant les écrans grignote sur toutes les activités classiques  – activités physiques, manuelles, échanges directs avec les autres – mais aussi sur nos besoins vitaux, en particulier le sommeil et l’activité physique.

Le problème des écrans touche-t-il plus une classe sociale qu’une autre ? Les classes aisées sont-elles davantage sensibilisées aux effets nocifs des écrans ?

Des études de terrain montrent une exposition plus importante dans les classes sociales peu diplômées, les milieux moins favorisés économiquement et culturellement, les familles monoparentales ainsi qu’une attention moins importante portée aux contenus. Cependant, en raison du caractère très addictif des applis les plus consultées par les enfants et les ados (réseaux sociaux, jeux vidéos en ligne, séries), tous les parents ont des difficultés à gérer le temps qu’y passent leurs enfants. Certains parents parviennent mieux à protéger leurs enfants que d’autres pour trois raisons. Tout d’abord parce qu’ils posent des règles d’encadrement strictes dès le départ. À cet égard, la règle des quatre pas – pas le matin, pas durant les repas, pas dans la chambre de l’enfant et pas avant le coucher- constitue une base facile à suivre et qui donne de bonnes habitudes à condition que les parents s’imposent également à eux-mêmes ces règles en présence de leur enfant. Mais aussi, parce qu’ils utilisent peu leur téléphone en présence de leurs enfants : ils sont disponibles pour eux (...).

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