« Le Modernisme réactionnaire »
Recension du Modernisme réactionnaire par Charles Jacquier dans Le Monde diplomatique du mois de juillet.
Il est courant d’opposer modernité et tradition, progrès et réaction. Le rapprochement de ces deux termes à propos du nazisme peut paraître paradoxal. L’historien Jeffrey Herf démontre pourtant, au fil d’une enquête fouillée sur ses origines idéologiques, comment le nazisme réussit à allier haine de la raison et culte de la technologie grâce à un mélange « d’enthousiasme pour la technique moderne et de rejet à l’égard des Lumières ». Il revient sur les penseurs de la révolution conservatrice de la république de Weimar, les intellectuels célèbres (Oswald Spengler, Ernst Jünger, Werner Sombart) ou les éminents mandarins (Martin Heidegger, Carl Schmitt, Hans Freyer) qui l’inspirèrent, à un titre ou à un autre. Il s’intéresse à la diffusion de cette idéologie dans le milieu des ingénieurs et techniciens, avant d’examiner comment elle poursuivit son œuvre. Comme nombre de leurs inspirateurs, les nazis combinent « un antisémitisme féroce à une approbation du progrès technologique », tandis que leur rhétorique anticapitaliste évite de « toucher aux rapports de propriété réellement existants ».