Dans sa « Lettre aux ingénieurs qui doutent » (L'échappée), Olivier Lefebvre, qui a travaillé dix ans dans la robotique, s'adresse à ses anciens collègues qui doutent de l'utilité sociale de leur métier, afin de leur expliquer qu'il est encore tant de bifurquer vers une activité porteuse de sens.

Le 30 avril 2022, lors de la remise de diplôme d'AgroParisTech, plusieurs étudiants évoquent leur envie de « bifurquer », dans une vidéo énormément vue et amplement commentés. Les jeunes ingénieurs invoquent leur refus de travailler « pour des multinationales qui asservissent toujours plus les agricultrices et les agriculteurs » et évoquent le rôle des « innovations technologiques » et les « start-up ». Des propos qui semblent faire écho à la Lettre aux ingénieurs qui doutent (L'échappée), publiée un an plus tard par Olivier Lefebvre. Ancien ingénieur, l'auteur a travaillé dix ans dans la robotique avant de « bifurquer » début 2019, touché notamment par le mouvement des gilets jaunes et la démission du ministre de l'Environnement, Nicolas Hulot, quelques mois auparavant. Dans son essai, Olivier Lefebvre s'adresse aux ingénieurs qui ressentent un conflit de valeur entre leur métier et les convictions, notamment leur envie d'être utile à la société et de préserver la planète.

Marianne : Vous expliquez que le métier d’ingénieur est politique. En quoi ?

Olivier Lefebvre : La dimension politique du travail n’est pas propre aux ingénieurs, mais elle est particulièrement prégnante chez eux. Les ingénieurs sont le corps de métier chargé de produire et de développer les objets techniques, dans lesquels la société baigne. Notre système technologique n’est pas neutre. Il a une très forte influence sur le fonctionnement de la société, les modes de vie, l’organisation sociale et les rapports de pouvoir. C’est pour cela que le développement technologique devrait relever d’une discussion collective et sociale, afin qu’il ne soit pas juste le fait de certaines entreprises et livré aux logiques de marché. Qu’ils en aient conscience ou pas, les ingénieurs exercent ce rôle politique au travers du développement technologique, qui va ensuite façonner le monde dans lequel on vit (...).

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