« "IA, l'ouragan qui vient" »
Entretien avec Éric Sadin, auteur de L'Intelligence artificielle ou l'enjeu du siècle par Bertrand Burgalat dans Teknikart.
Pourquoi donc tous les neuneus de la start-up nation s’emballent-ils autant pour l’intelligence artificielle ? Nos deux experts, le philosophe Éric Sadin et notre intervieweur Bertrand Burgalat, vaccinés contre les mouvements d’hystérie collective, imaginent un avenir radieux – sans l’aide des IA génératives.
C’est fou ce que l’intelligence artificielle peut générer comme conneries. Après les NFT, la blockchain et le métaverse c’est la nouvelle tarte à la crème : panurgisme progressiste, lieux communs à base d’ignorance, de niaiseries technophiles et d’affairisme, vieux jeunes et jeunes vieux nostalgiques de la bulle internet, vendeurs de forfaits téléphoniques déguisés en moguls de la « tech », licornes qui broutent les milliards de France 2030, incubateurs incinérateurs de deniers publics, ringards aux abois et ruffians à l’affût sont au rendez-vous du grand vide, avec des éléments de langage qui feraient passer René Monory et ses prédictions de comptoir pour Arthur C. Clarke ou Isaac Asimov.
Il y a sept ans, j’avais composé la musique d’un film de Benoît Forgeard, « Yves », sur un réfrigérateur connecté qui écrivait des tubes de rap et remportait l’Eurovision. Tout ce qui semblait alors absurde s’est réalisé, en plus dérisoire. « Grâce à l’IA, votre machine à café peut vous faire des suggestions de boissons en fonction de votre humeur, de la météo ou même de l’heure de la journée » (Companeo). La France du Goupil, de la Mia, du Bi-Bop, de Diabeloop, de la route solaire de Tourouvre et des avions renifleurs, celle des catastrophes industrielles et des tartarinades n’est pas morte. Les tirades boursouflées à base de vilains mots, de disruption, de souveraineté, d’accompagnement et d’anglicismes de BDE pullulent. Aucune parole publique, aucun discours de politique générale n’y échappe, l’IAwashing est partout.
De Dassault Systèmes à Ravel Technologies, ce ne sont pourtant pas les talents qui manquent, ni les experts lucides : en 2019, deux polytechniciens, Marie David et Cédric Sauviat, avaient publié un essai implacable, Intelligence artificielle, la nouvelle barbarie (éditions du Rocher). Dans l’indifférence. Heureusement, il y a Éric Sadin. Tel un magasinier Amazon, il ne baisse jamais les bras ; sa parole subtile est d’autant plus forte qu’il n’a pas d’agenda caché dans cette bataille.
Hors du territoire national, il conseille gouvernements et chefs d’Etat, mais dans la start-up nation les empêcheurs de détourner en rond dérangent. Au moment où Paris accueille un ronflant sommet de l’IA en forme de reddition, il est à l’initiative d’un Off réjouissant. Face à l’Elysée, au propre comme au figuré. Rencontre avec l’homme qui a dit non (...).
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