« Homo confort sort de sa zone »
Recension d'Homo confort de Stefano Boni par Josée Blanchette dans Le Devoir.
La semaine dernière, j’ai croisé un chien en poussette canine, bien emmitouflé, un symbole assez troublant (et croissant) de notre anthropomorphisme moderne. Je laisse ça aux psys, c’est du lourd.
J’ai aussi pesté contre un concert de souffleuses à feuilles, contre cette engeance maudite qui accote le marteau-piqueur en termes de pollution sonore, et que je dénonce depuis perpète au risque de passer pour une dangereuse freine-progrès et une mémère-le-râteau. Outremont les a bannies (à essence seulement). Ce sera long. J’ai le temps de devenir sourde.
La même semaine, j’ai vécu un moment d’anxiété catégorie sportive en regardant une benne à ordures avaler et broyer cinq-six chaises longues en plastique, encore en état, larguées pour on ne sait quel caprice devant un immeuble, sous l’oeil impavide des éboueurs. C’est sans compter les lumières de corridors des édifices résidentiels et commerciaux et le chauffage (ou la clim l’été) qui y fonctionnent 24 heures sur 24. Tout cela pour nous économiser un excès d’acide lactique dans le poignet, une luxation de l’imagination ou un frisson. On l’aura compris, l’effort n’est de mise que dans un marathon sur Instagram.
« La recherche de confort prévoit un processus d’hygiénisation et de stérilisation des espaces et des lieux. […] Elle se déroule toujours de façon prévisible, contrôlable et stable », écrit l’anthropologue culturel et politique Stefano Boni dans Homo confort. Dans cet essai, il dissèque notre seuil de tolérance à l’effort et à l’incertitude, qui s’est abaissé considérablement à cause de la technologie.
« Le terme Homo confort désigne cette forme d’humanité qui dispose de toutes sortes de moyens sophistiqués pour éviter de subir les contraintes et désagréments liés à la gestion laborieuse du monde organique, ajoute-t-il. Tout le monde ou presque apprécie le confort. […] Il s’agit plutôt d’examiner en profondeur les conséquences problématiques de l’hypertechnologie et les mystifications engendrées par son exaltation, que nous avons trop souvent et trop longtemps passées sous silence. » (...).
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