« Green lantern »
Recension de Brasero n°2 par François Bordes dans La Revue des revues.
Revoilà Brasero ! Cette année 2022 s’était ouverte avec le premier numéro rouge incandescent. Elle se clôt sur sa deuxième livraison à la couverture d’un vert éclatant, un vert de forêt et de prairies. Il est vrai que cette revue est un véritable Eden ! Cette utopie de papier est richement illustrée par des images d’archives et les dessins de Jean Aubertin. On aurait envie de citer ici toutes les contributions. Comment ne pas être impressionné en effet par l’intérêt, la variété, l’originalité et la qualité des articles de cette publication annuelle ? L’histoire sociale y occupe une large place, avec en particulier l’étude d’Anne Steiner sur l’enfance insoumise, fugueuse et vagabonde sous la IIIe République ou l’enquête très fouillée de Frédéric Thomas sur le « Mai 68 belge ». Les éclairages d’Anne Steiner permettent de (re)découvrir la figure de Madeleine Pelletier (1874-1939), femme du peuple devenue médecin, féministe et révolutionnaire. Charles Jacquier propose une relecture très pertinente du « moment antitotalitaire » français en revenant sur le livre de Nina et Jean Kehayan, Rue du prolétaire rouge, dont on a minimisé la profondeur de l’impact. Charles Jacquier donne aussi une très juste relecture de l’ouvrage de Cornelius Castoriadis, Devant la guerre. À la lumière de la guerre de Poutine contre l’Ukraine, les analyses développées dans ce livre mal compris à sa parution mérite en effet d’être revisitées. Paru en 1981, il a récemment été republié, augmenté d’archives inédites (Guerre et théorie de la guerre, tome VI des Écrits politiques publiés par les Éditions du Sandre, 2016). La notion de stratocratie et de domination du secteur militaro-industriel en Russie apparaît tout à fait opératoire, tout comme le chapitre intitulé « la force brute pour la force brute ».
Parmi toutes les flammêches de ce brasero, citons aussi les articles drôlatiques sur les chasseurs de rats du vieux Paris, sur le bizarre Guido Keller, les communistes télépathes, l’entarteur et les écraseurs, les diggers et les bandidos… Et puis, bien sûr, Brasero est un ardent foyer de l’histoire du livre et de l’édition. Chantal Aubry retrace les aventures d’Eric Losfeld, Robert Dreyfus évoque « Péguy typographe » et Zvonimir Novak présente le graphisme des publication militantes trotsksites des années 1930. Enfin, Jacques Baujard et Alice Guillemard retracent la vie et la carrière de Christine Sèvres, chanteuse « à la voix de verre brisé », espoir des années 1960 qui restera cependant dans l’ombre de son mari, Jean Ferrat. Cet article est à l’image de Brasero : il donne envie de lire et de vivre, d’écouter et de regarder le monde avec un regard neuf, critique et joyeux (...).
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