28/02/20

« Germaine Berton »

Recension de Germaine Berton. Une anarchiste passe à l'action sur le site de la revue Ballast.

Voici l’his­toire d’une femme qui, un jour, abat le secré­taire géné­ral de la Ligue d’Action fran­çaise. Elle est ouvrière, syn­di­ca­liste et anar­chiste ; il est ingé­nieur, natio­na­liste et roya­liste. Elle se nomme Germaine Berton ; il s’ap­pelle Marius Plateau. Nous sommes en 1923 et l’a­nar­chiste en ques­tion assas­sine le natio­na­liste en ques­tion en entrant dans les locaux du jour­nal épo­nyme de l’organisation. Elle vou­lait tuer Daudet, le porte-flingue de la Patrie et l’en­ne­mi de la classe ouvrière, mais il n’est pas là. L’affreux Maurras non plus. Alors elle bran­dit son 6,5 mm et tire par cinq fois sur Plateau. Une « forte tête », dit d’elle l’au­teur, jour­na­liste et auteur d’un ouvrage consa­cré à la bande à Bonnot. On n’en doute pas. Et l’on apprend sans tar­der qu’elle a notam­ment vou­lu ven­ger Jaurès, assas­si­né pour n’a­voir pas vou­lu de cette guerre dont la France se remet à peine : l’homme qui l’a tué lisait L’Action fran­çaise, laquelle accu­sait le socia­liste d’œuvrer pour l’en­ne­mi et d’être le « porte-parole de la tra­hi­son juive ». La jeune femme assu­me­ra son geste, jurant qu’elle n’hé­si­te­rait pas à recom­men­cer. C’est là, pour­suit l’au­teur, « le der­nier acte de pro­pa­gande anar­chiste par le fait ». Après avoir tiré, elle retourne le revol­ver contre elle ; la balle rate le cœur. C’est sous la forme d’extraits d’ar­ticles de l’é­poque que se déploie le récit, enchâs­sés dans les para­graphes de l’au­teur au fil de 280 pages touf­fues, illus­trées de pho­to­gra­phies, de des­sins et de cou­pures de presse. La chose pour­rait sem­bler aride mais l’en­semble, dûment sélec­tion­né, cou­pé, arti­cu­lé, ne prive pas le lec­teur d’un fil nar­ra­tif. Aragon salue l’acte ; face au juge, l’ou­vrière raconte l’« immense dégoût » qui la saisit à la vue du mili­tant monar­chiste : l’homme « riait de nos misères ». Elle sera acquit­tée et se sui­ci­de­ra deux décen­nies après la mort de Plateau, en pleine Seconde Guerre mon­diale. Sa tombe ? Disparue.

Pour lire l'article en ligne : https://www.revue-ballast.fr/cartouches-51/

Frédéric Lavignette