« Germaine Berton »
Recension de Germaine Berton. Une anarchiste passe à l'action sur le site de la revue Ballast.
Voici l’histoire d’une femme qui, un jour, abat le secrétaire général de la Ligue d’Action française. Elle est ouvrière, syndicaliste et anarchiste ; il est ingénieur, nationaliste et royaliste. Elle se nomme Germaine Berton ; il s’appelle Marius Plateau. Nous sommes en 1923 et l’anarchiste en question assassine le nationaliste en question en entrant dans les locaux du journal éponyme de l’organisation. Elle voulait tuer Daudet, le porte-flingue de la Patrie et l’ennemi de la classe ouvrière, mais il n’est pas là. L’affreux Maurras non plus. Alors elle brandit son 6,5 mm et tire par cinq fois sur Plateau. Une « forte tête », dit d’elle l’auteur, journaliste et auteur d’un ouvrage consacré à la bande à Bonnot. On n’en doute pas. Et l’on apprend sans tarder qu’elle a notamment voulu venger Jaurès, assassiné pour n’avoir pas voulu de cette guerre dont la France se remet à peine : l’homme qui l’a tué lisait L’Action française, laquelle accusait le socialiste d’œuvrer pour l’ennemi et d’être le « porte-parole de la trahison juive ». La jeune femme assumera son geste, jurant qu’elle n’hésiterait pas à recommencer. C’est là, poursuit l’auteur, « le dernier acte de propagande anarchiste par le fait ». Après avoir tiré, elle retourne le revolver contre elle ; la balle rate le cœur. C’est sous la forme d’extraits d’articles de l’époque que se déploie le récit, enchâssés dans les paragraphes de l’auteur au fil de 280 pages touffues, illustrées de photographies, de dessins et de coupures de presse. La chose pourrait sembler aride mais l’ensemble, dûment sélectionné, coupé, articulé, ne prive pas le lecteur d’un fil narratif. Aragon salue l’acte ; face au juge, l’ouvrière raconte l’« immense dégoût » qui la saisit à la vue du militant monarchiste : l’homme « riait de nos misères ». Elle sera acquittée et se suicidera deux décennies après la mort de Plateau, en pleine Seconde Guerre mondiale. Sa tombe ? Disparue.
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