« Fée brune »
Recension de Paris Opium d'Éric Walbecq par Philippe Bonnet dans Les Soirées de Paris.
Presque partout c’était la même chose. Sauf réception entre bourgeois, la consommation d’opium se faisait dans des pièces, caves et soupentes, où le décor n’avait pas d’intérêt. Il fallait juste la place suffisante pour s’allonger et tirer sur le bambou. Dans une ambiance forcément calme puisque le voyage était intérieur. Nul besoin d’un rideau protecteur pour fantasmer, le rêve s’épanouissait quelque part dans une antichambre du cerveau. Les éditions L’Échappée ont eu cette excellente idée de mettre en librairie dès demain 5 novembre, les écrits d’un journaliste ayant décidé d’un reportage en profondeur dans les fumeries parisiennes, avant que l’interdiction de 1916 n’y mette officiellement le holà. Il se faisait appeler Delphi Fabrice, il était né en 1877 et vivait de sa plume, surtout la nuit. La comédienne Polaire racontait qu’il débarquait chez elle le matin, « mal réveillé d’entêtants sommeils d’éther, le cou protégé d’un cache-nez blanc qui dissimulait son linge encore nocturne, les doigts bagués sans discrétion ». On imagine un peu ces oiseaux de nuit au teint grisâtre comme la presse en a toujours connu. Il avait du pain à découper sur la planche et de la résine à brûler dans le fourneau, car la capitale française comptait apparemment 300 officines spécifiques (...).
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