« Électroménager et plats préparés : le confort nous a coupés de la nature »
Recension d'Homo confort de Stefano Boni par Catherine Marin sur Reporterre.
Des parfums sans odeur, des plats sans goût, des plantes artificielles, des mains scotchées au téléphone... L’Homo sapiens est devenu Homo confort, écrit l’anthropologue Stefano Boni dans un nouveau livre. Et voilà comment s’en débarrasser.
Au XVIIIe siècle, des écrivains imaginaient des civilisations loufoques dans des contrées lointaines (Swift, Les Voyages de Gulliver) ou des personnages naïfs (Voltaire, Candide) pour mieux souligner l’irrationalité et l’immoralité des mœurs de leur temps. Aujourd’hui, pour bousculer nos préjugés communs et questionner notre déroutante passivité face à la catastrophe écologique, l’anthropologue italien Stefano Boni [1] invente Homo confort, une « variante culturelle d’Homo sapiens », précise-t-il à Reporterre.
Au cœur de son dernier essai, Homo confort — Le prix à payer d’une vie sans efforts ni contraintes (L’Échappée), Homo confort marque une rupture anthropologique radicale, survenue au tournant des années 1950-1960. L’humanité parvenait alors à soumettre la nature dans sa globalité grâce à des technologies de plus en plus perfectionnées (génétique, pesticides, électronique, bientôt numérique, intelligence artificielle), et le confort bourgeois se répandait sur le globe, à des degrés divers : électroménager, plats industriels prêts à l’emploi, crédit à la consommation, chirurgie esthétique, transport aérien, etc. Homo confort se réjouissait, le souvenir des vies dures des générations précédentes s’estompait. Mais ce confort avait un coût faramineux, démontre Stefano Boni sans le moindre moralisme.
Car force est de constater que la production du confort n’a pas été mise au service de l’intérêt général : après avoir comblé les besoins essentiels de la population, l’industrie aurait pu ralentir sa croissance, chercher à augmenter la durée de vie de ses produits et réduire ses effets sur l’environnement — le rapport Meadows l’y incitait dès 1972. Mais, au contraire, soutenu par des législations favorables, le capitalisme a multiplié les stratégies consuméristes pernicieuses, comme l’obsolescence programmée, pour étendre son emprise sur un marché de masse mondial. Résultat : une catastrophe écologique d’ampleur inédite, et une oligarchie de monopoles qui freine toute alternative conséquente (...).
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