« Du Shtetl à Belleville »
Recension des Juifs de Belleville de Benjamin Schlevin par Francis Pian dans Le Monde Libertaire.
Avec les éditions L’échappée, nous poursuivons notre promenade historique et sociologique dans le Paris perdu, titre de leur collection qui mêle nostalgie et découverte des quartiers du siècle dernier. Nous avons déjà, dans l’émission Au fil des pages sur Radio libertaire, présenté Les Plaisirs de la rue d’André Warnod, Les Brasseries parisiennes de Gilles Picq, Rue du Havre de Paul Guimard. Aujourd’hui, nous voici dans l’Est parisien et parfois sur les Boulevards, le quartier du Marais, le Pletzl, avec le livre de Benjamin Schlevin, Les juifs de Belleville.
Oui, la promenade mérite bien ses adjectifs « historique et sociologique ». Toutefois, il s’agit d’un roman, non d’un essai, et l’auteur conserve la maîtrise de son intrigue. Il raconte « les parcours contrastés des ouvriers et petits patrons ashkénazes arrivés à Paris après la Première guerre mondiale et qui, tout en essayant de se faire une place dans la société française, furent confrontés à toutes les secousses, tous les drames de la période 1939-1945 » comme le souligne Joseph Strasburger, traducteur avec Batia Baum, du livre écrit en yiddish. Benjamin Schlevin est né à Brest-Litovsk en 1913, il passe par Varsovie et émigre à Paris en 1934. C’est un écrivain en langue Yiddish qui certes écrit une fiction mais aussi un roman réaliste, progressiste qu’il achève en 1946.
Paris, « Gar di Nor »
C’est une fresque populaire qui débute en 1920 à Varsovie, dans le conflit entre l’URSS et la Pologne. La société polonaise contient de sinistres relents antisémites, la vie dans le quartier est misérable. Le souvenir de Kronstadt est évoqué. Beni Grinberger, un des protagonistes du roman, passe la frontière et commence sa vie d’émigré pauvre, affamé, inquiété par les polices des pays traversés. La communauté juive de Berlin ne le retient pas ; il arrive à Paris, « Gar di Nor » et reste au sein de la communauté. Les émigrés sont reconnaissables à leur tenue, leur regard apeuré et les primo arrivants, petits patrons, les prennent en charge pour mieux les exploiter dans les ateliers de confection installés à Belleville dans des immeubles aux façades lépreuses. On loge où on peut, des hôtels minables. Nous sommes au cœur d’un quartier sous la surveillance des hirondelles, les flics parisiens. Il faut obtenir des papiers, les arrangements, les escroqueries, les abus de la naïveté de ces femmes et ces hommes maîtrisant mal ou peu cette nouvelle vie. Puis il y a des lieux de rassemblements comme celui de la Kultur-lige. On y entretient des liens amicaux, solidaires, culturels. On discute politique, on s’organise en syndicats, en sociétés de secours mutuel, on crée une université populaire. Comme je le dis souvent , certains romans nous permettent de mieux comprendre la vie quotidienne des personnes. C’est le cas avec le livre de Benjamin Schlevin, Les juifs de Belleville (...).
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