« Des hommes et femmes aux grands cœurs ? »
Recension de Bandits & Brigands par Julien Coquet sur le site Toute la culture.
Inspirées par les écrits de l’historien Eric Hobsbawm, les éditions L’échappée ont proposé à des écrivains de se pencher sur quelques figures mythiques de bandits.
Dans un monde marqué par les inégalités et les disparités entre les plus riches et les plus pauvres, les bandits ne se présenteraient-ils pas comme des justiciers sociaux ? Des Robins des bois qui prendraient aux riches pour donner aux pauvres ? Des hommes et femmes capables de lisser et égaliser les situations ? Car la figure du bandit n’a rien à voir avec celle du criminel. Cartouche n’est pas Jesse James, et Rob Roy n’est pas Albert Spaggiari. Comme l’écrit l’historien anglais marxiste Eric Hobsbawm : « Ce qu’il faut bien voir à propos du bandit social, c’est ce que c’est un paysan hors-la-loi que le seigneur et l’Etat considèrent comme un criminel, mais qui demeure à l’intérieur de la société paysanne, laquelle voit en lui un héros, un champion, un vengeur, un justicier ».
Ces bandits et brigands, puisqu’il ont été pourchassés par les machines étatiques, sont parfois peu connus des sources historiques. Les huit nouvelles qui constituent le recueil, confiées à des écrivains français amis des éditions L’échappée, cherchent justement à pallier le manque d’informations véridiques en faisant place à l’imaginaire. C’est notamment le cas de cette belle nouvelle « Vie et mort (mort et vie) d’un bandit mexicain » de Sébastien Rutés sur la trépidante vie de Joaquin Murieta. Lieu de naissance inconnu, orthographes multiples du nom de famille (Murrieta ou Murietta), Joaquin Murieta est plus un symbole de la lutte contre la domination états-unienne qu’une figure réelle. Sébastien Rutés en profite d’ailleurs pour narrer l’histoire d’un mythe et de son appropriation par différents dominés.
La nouvelle signée Linda Lê est peut-être la plus intéressante du recueil. Notons également que l’auteure est particulièrement servie pas un sujet grandiose, la vie de Phoolan Devi. Née au cœur de l’Inde, violée à de nombreuses fois, victimes du système des castes, Phoolan Devi se rebelle contre l’ordre établi et monte sa propre armée pour redistribuer les richesses des Indiens aisés. Usant habilement de la formule « Il faut imaginer », Linda Lê tisse un conte cruel et une épopée impressionnante. Ce portrait de femme ne peut que forcer le respect.
Notons également la chute de Ned Kelly qui ouvre le recueil, véritable western aux descriptions cinématographiques, signée Emilien Bernard. Ou encore le combat politique de Sante Notarnicola, Italien proche des groupes révolutionnaires, dont l’engagement flamboyant est retranscrit par Serge Quadruppani.
« Phoolan Devi demeure toutefois dans nos mémoires comme une martyre, victime d’une société dominée par des satrapes. Sa soif de vengeance a trouvé dans l’idéal de fraternité et d’équité, qui guidait Vikram, de quoi être étanchée. Elle et lui ont mené une guerre incessante contre toutes les formes de tyrannie, leur hantise étant d’abattre tous les profiteurs afin que les déshérités relèvent la tête, tenant mieux debout une fois qu’ils seraient débarrassés des charognards. »
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