« Centenaire de la mort de Lénine : un siècle de violences et d’espoirs révolutionnaires »
Recension de La Terreur sous Lénine de Jacques Baynac par Olivier Doubre dans Politis.
Cent ans après sa disparition, Lénine reste l’un des personnages les plus controversés du XXe siècle, continuant de susciter féroce détestation ou nostalgie de l’élan révolutionnaire. Deux récents ouvrages se partagent cette dichotomie sur Vladimir Ilitch Oulianov.
Cent ans. Un 21 janvier. Louis XVI aussi est mort un 21 janvier, en 1793, guillotiné. Les deux ne se ressemblent pas, évidemment. Un roi de « droit divin » qui n’hésitait pas à envoyer quelques voyous, philosophes ou écrivains à la Bastille, d’un simple trait de plume au bas d’une lettre de cachet ; un dirigeant bolchevik qui, disant promouvoir la démocratie « directe » des soviets (ou conseils ouvriers), va établir au nom de la « dictature du prolétariat » une dictature tout court, avec un parti unique, et ces soviets bientôt réduits à une vitrine, très surveillée par une redoutable police politique.
Il ne faut qu’un mois après la révolution d’Octobre pour que soit créée la Tcheka, devenue Guépéou en 1922 puis NKVD en 1934. Nombre de révolutionnaires espagnols et étrangers, trotskistes, anarchistes, militants du Poum et autres « déviationnistes » auront à en souffrir jusqu’à y laisser leur peau, au cours de la guerre civile de 1936 à 1939.
C’est tout l’objet de la réédition, à l’occasion de ce centenaire de sa mort, du livre La Terreur sous Lénine (1975), co-écrit par Jacques Baynac, tout récemment disparu, Alexandre Skirda et Charles Urjewicz (1). L’ouvrage, de matrice libertaire, s’attache à montrer la « terreur soviétique » mise en place dès la prise du pouvoir par les bolcheviks.
De la répression de la paysannerie bientôt soumise à une collectivisation drastique, de la lutte contre les anarchistes, du mouvement de Makhno en Ukraine (2), ou contre les fameux marins de Kronstadt, mais aussi l’organisation implacable de l’Armée rouge par Trotski contre les Blancs soutenus par les armées occidentales, l’ouvrage rappelle que la « dictature du prolétariat » fut dès Lénine une entreprise de terreur, avec force arrestations, déportations dans les camps glaciaux de Sibérie et une surveillance de tous les instants des opposants ou juste des auteurs de légères critiques du nouveau régime.
Cf. sur ce point, la réédition de l’excellent ouvrage (d’abord paru en 1987) de l’historien Yves Ternon : Makhno. La révolte anarchiste (1917-1921), éd. Les Belles Lettres, 288 pages, 14,50 euros.
Mais si tous les travers autoritaires du régime soviétique sont désormais bien documentés, longtemps ils furent attribués à Staline à partir de sa prise du pouvoir en 1924, à la mort de Lénine justement, celui-ci étant considéré, sans doute à tort, comme le dirigeant d’une époque romantique de la Révolution. Trotskystes, communistes critiques, jusqu’à certains socialistes « de gauche », beaucoup ont vu en Lénine la « vraie » figure d’une révolution, certes intransigeante, mais portant l’espoir – à travers les cinq continents – d’un véritable changement du monde (...).
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