« Bibliothèque du matrimoine : Séverine (1855-1929) »
Recension de L'Insurgée de Séverine par Christiane Chaulet Achour dans Diacritik.
Bien qu’elle ne soit pas une inconnue, on ne peut pas dire que la grande Séverine fasse partie des références fréquentes de nos savoirs. Elle revient en librairie grâce à un livre bienvenu, édité par L’Échappée : Séverine L’Insurgée, avec une préface de Paul Couturiau et une postface de Laurence Ducousso-Lacaze et Sophie Muscianese.
Séverine écrivit quelques six mille articles et chroniques, très lus ! Son métier, elle l’exerça de 1883 à 1928, témoignant des événements « traversés » et d’autres plus quotidiens et plus humbles, du Second Empire au soutien à Sacco et Vanzetti, de l’accès des femmes à l’Université et à la recherche, au mariage, à l’avortement, à la misère. Comme le rappellent les éditions L’Echappée dans la présentation de l’ouvrage, Séverine n’est pas totalement sortie des radars depuis près d’un siècle mais cette journaliste pionnière et originale n’a pas la gloire qu’elle mérite.
Rappelons l’objectif de la collection « lampe-tempête » dirigée par Jacques Baujard : « Il y a des siècles qui ressemblent à des tempêtes : le vent de l’histoire y souffle plus fort qu’ailleurs, la nuit semble être sans fin, et nul n’y est à l’abri de l’orage qui menace. Contre toute attente, et pour peu qu’elle s’émancipe de l’imaginaire dominant, seule la littérature y propage encore un peu de lumière. Par un travail de redécouverte de textes de fiction méconnus ou oubliés, augmentés de commentaires critiques et politiques, cette collection entend donc montrer que la littérature peut être instrument de prospection, à la recherche des possibles, les meilleurs comme les pires, ceux qui gisent dans le passé comme ceux que nous réserve l’avenir ».
Dans une préface alerte et admirative, Paul Couturiau trace les points forts de la vie singulière de Séverine. Lui succède un choix de quarante-cinq articles, écrits de 1886 à 1921, chacun précédé d’une présentation efficace et synthétique pour qu’il soit aussi lu dans le contexte de sa publication. Ces quarante-cinq articles prennent place dans une œuvre impressionnante, il faut le rappeler. Séverine a regroupé ce qu’elle considérait comme ses meilleurs articles en recueils pour augmenter ses revenus puisqu’elle vivait exclusivement de sa plume. Car c’est la première femme journaliste, salariée, à avoir vécu de son travail. Les ouvrages qui paraissent de 1893 à 1896 sont tous édités à Paris, aux éditions Simonis-Empis. En 1893, Pages rouges regroupe des papiers du Cri du peuple et son reportage à Saint-Étienne. En 1894, c’est sous le titre Notes d’une frondeuse (de la Boulange à Panama), qu’elle rassemble ses articles sur l’affaire Boulanger. Puis après une visite au pape Louis XIII qu’elle interviewe sur le problème juif, elle publie, en 1895, Pages mystiques. Cette publication est à mettre en relation avec l’action qu’elle exerçait pour les plus pauvres qui lui valut, de ses ennemis, le surnom de « Notre-Dame de la larme à l’œil ». Elle publie encore, en 1896, En Marche… Avec l’Affaire Dreyfus, son éditeur change et c’est quatre ans plus tard, en 1900, qu’elle fait paraître aux éditions P.V. Stock, Vers la lumière… Affaire Dreyfus… Impressions vécues. Elle publiera ensuite des tentatives plus littéraires dont une pièce de théâtre unique, À Sainte-Hélène ; en 1906, Sac-à-tout et enfin aux éditions Crès à paris, Line, en 1921, récit d’enfance autobiographique (...).
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