C'est d'un sujet crucial que traite l'ouvrage La Guerre de l'attention : la captation de notre temps de cerveau disponible par les écrans. Il suffit de voir dans les rues et les transports en commun ces regards vidés, happés en permanence par l'ordiphone, absents au monde qui les entoure, pour prendre la mesure du basculement qui a eu lieu. « C'est bien LA mutation sociale la plus déterminante de ces dix dernières années », soutiennent Yves Marry et Florent Souillot, fondateurs de l'association Lève les yeux !. Un Français passerait en moyenne dix heures par jour devant les écrans, un adolescent 11 h 45 ! Les conséquences sur la personne, la liberté, les liens sociaux, l'environnement ou la démocratie sont désastreuses. L'enfant en construction se trouve particulièrement « diminué » : délitement des interactions humaines, perte de capacités physiques, retards cognitifs, amoindrissement des facultés de concentration, d'apprentissage, de mémorisation, de langage, troubles du comportement, myopie croissante, manque de sommeil, exposition à des images traumatisantes, banalisation du cyber-harcèlement, déréalisation générale... L'humain est « menacé au cœur même de son humanité », alertent les auteurs. L'industrie du numérique est en cause, elle qui a mis la captation de l'attention au cœur de son modèle économique et qui vise à exercer une emprise sur tout un chacun pour mieux modeler les comportements. Et le pouvoir politique est complice, en poussant à la numérisation toujours plus intégrale de nos existences. Face à l'avachissement d'une société du sans contact, internée à internet, Yves Marry et Florent Souillot appellent à se déconnecter de cet « immense divertissement commercial ». Si leurs préconisations paraîtront sans doute trop mesurées aux lecteurs qui refusent radicalement les écrans (il n'est pas question ici de vivre sans smartphone) et si nous ne partageons pas leur enthousiasme pour l'arrivée de nouveaux technocrates verts dans les métropoles ou pour un Joe Biden, les auteurs assument franchement la nécessité de la décroissance. Il en va du « cœur même de notre humanité » (...).

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