« L'art de flâner à Montmartre en 1920 »
Recension des Plaisirs de la rue d'André Warnod par Karine Ringot sur Montmartre addict.
Qui n’a pas déjà rêvé de grimper à bord d’une machine à remonter le temps juste pour le plaisir de se balader dans les rues de Paris et Montmartre au siècle dernier, et d’y croiser, qui sait, Apollinaire ou Picasso au détour d’une rue ? C’est ce voyage exceptionnel que nous invite à faire André Warnod, figure historique du Montmartre d’autrefois et auteur de nombreux ouvrages sur Paris, dans son livre Les plaisirs de la rue initialement publié en 1920 et aujourd’hui réédité par L’échappée.
C’est à Jacques Baujard et Cédric Biagini, respectivement directeur éditorial et directeur de collection que l’on doit cette formidable idée de lancer la collection « Paris Perdu » qui propose une balade dans les différents quartiers de la capitale à travers la réédition de plusieurs auteurs. Et c’est à André Warnod que revient donc l’honneur d’ouvrir le bal, aux côtés d’Eugène Dabit, auteur du célébrissime L’Hôtel du Nord adapté au cinéma par Marcel Carné et de son livre La zone verte.
Lire Les plaisirs de la rue est un pur délice. D’abord parce que tous les amateurs de livres apprécieront la qualité du papier et de l’édition, en plus d’être illustré par les dessins de l’auteur, ancien élève des Beaux-Arts. Mais surtout parce que celui-ci décrit si bien l’ambiance de la Butte qu’on se croirait presque au cinéma : « Deux fois par semaine, la rue Pierre Picard dans le quartier de Clignancourt est pavoisée comme un jour de 14 juillet. Semblables à des pavillons de puissances inconnues, des étoffes multicolores frissonnent au vent qui gonfle harmonieusement les grandes draperies pendues le long des boutiques et sur les murs comme jadis au passage des rois les magnifiques tapisseries ; la rue devient une chatoyante symphonie. C’est le Marché aux étoffes, aux rubans et aux dentelles qui se tient là le jeudi et le dimanche. »
André Warnod a beaucoup écrit sur Montmartre, et on retrouve dans Les plaisirs de la rue de nombreux chapitres consacrés à la Butte, dans lesquels il parle déjà de celle « d’autrefois » : « (..) la plus singulière petite bourgade qu’on puisse imaginer, est à présent une ville morte à la manière de Venise, (…) où grouillent les touristes… » ; des lignes écrites en 1920 ! Mais Les plaisirs de la rue enseignent surtout l’art de flâner dans la capitale car, comme le dit si bien Warnod lui-même au début de l’ouvrage : « Je ne crois pas qu’il y ait au monde une seule ville ou la flânerie puisse devenir aussi aisément un art véritable digne de tenter les plus délicats ».
La préface, écrite par Jeanine Warnod, la fille de l’auteur qui, aujourd’hui centenaire, continue bon pied bon œil à transmettre l’incroyable héritage de son père, nous enseigne que « le plus grand plaisir d’André Warnod était d’assister, après une nuit tumultueuse, à la naissance du petit jour, un moment d’épanouissement où Paris changeait de visage ». Jeanine peut enfin se réjouir qu’une maison d’édition daigne éditer les très beaux livres de son père, nous offrant un témoignage exceptionnel sur ce que furent Paris et Montmartre autrefois (...).
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