« Anarchie in the UK »
Recension de Samedi soir, dimanche matin d'Alan Sillitoe par Patrick Raynal dans Siné Mensuel.
Vivre vite, se saouler fort et prendre sa part de plaisir dans un monde fou et sans sens.
A l'heure où flamboient le jaune des gilets, le rouge des luttes sociales et le noir des Blacks Blocs, la réédition de Samedi soir, dimanche matin, d'Alan Sillitoe, est comme une brique de plus lancée dans la gueule du capitalisme et ses façons de nous faire avaler qu'il ne nous veut que du bien. Arthur Seaton, le protagoniste du roman, est un de ces jeunes gens "nés de parents alcooliques et mariés au petit bonheur, conçus sans le vouloir dans un monde incohérent et fou, ayant survécu au chômage et à la guerre..." Il s'échine sur son tour pour gagner de quoi se payer de belles fringues, se saouler le samedi soir au pub et sauter des femmes mariées à des collègues qui font la nuit. Arthur, on le voit, n'est pas le working class hero d'un roman issu du réalisme socialiste, mais une sorte d'anarcho-individualiste qui rêve de tout faire péter, gouvernement, curés, propriétaires et syndicalistes. Ni Dieu, ni Maître, juste le plaisir, à fond et le plus vite possible, avec, le dimanche, le bonheur ineffable de quitter la ville sur son vélo et d'aller passer la journée à la pêche, dans un coin de verdure.
Pas étonnant que ce roman, paru en 1958 sous la plume d'un écrivain qui allait devenir al figure de proue des Angry Young Men - sorte de fratrie littéraire réunissant des écrivains aux origines sociales modestes -, soit devenu un best-seller réédité en permanence du Royaume-Uni, adapté au cinéma par le grand Karel Reisz, et cité dans les paroles de groupes comme Madness, les Smiths ou les Clash.